Pouvoir d'achat : haro sur les frais bancaires ?

Pouvoir d'achat : haro sur les frais bancaires ?

Le ministre de l'Economie rencontrera mardi prochain le patronat du secteur bancaire. M. Le Maire demande aux établissements de fournir davantage d'efforts tarifaires pour préserver le pouvoir d'achat des Français.

Pouvoir d'achat : haro sur les frais bancaires ?
Crédit photo © Reuters

Dans le cadre des efforts demandés aux « entreprises qui le peuvent » pour soutenir le pouvoir d’achat des Français, le secteur bancaire est particulièrement dans le collimateur de Bruno Le Maire. Le ministre de l’Economie, qui s’est exprimé plusieurs fois ces dernières semaines sur la nécessité pour les établissements de revoir à la baisse leurs tarifs, a pris date avec la profession le 13 septembre, rapportent ce jeudi Les Echos.

Le locataire de Bercy rencontrera ensuite les représentants de l’assurance pour leur adresser une requête similaire le 19 septembre.

Alors que l’option d’une taxation des superprofits ressurgit sur le devant de la scène politique, le ministre de l’Economie, qui s'y est déclaré opposé, préfère regarder du côté de la négociation patronale ciblée. Frileux à l’idée d’activer le levier fiscal, il entend plutôt obtenir de certaines professions des engagements "volontaires" pour alléger la facture des ménages.

Sur le volet des frais bancaires (tenue de compte, commissions d’intervention…), certaines enseignes ont déjà fait un geste en faveur des clients les plus fragiles, mais Bercy espère obtenir davantage.

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L'ex priorité des fonds relance

Les pratiques tarifaires du secteur étaient déjà surveillées de près par l’exécutif, mais jusqu’à récemment, il s’était surtout concentré sur les Plans d’épargne retraite, dont le succès rapide a rendu les distributeurs gourmands, ainsi que sur l’assurance vie, des placements stratégiques pour Bercy à la sortie de la crise du Coronavirus.

L'année dernière, dans un contexte qui semble déjà lointain, la relance économique devait passer par la reprise de la consommation et trouver son souffle dans le financement des entreprises françaises, avec la nécessité d’orienter la "surépargne" des ménages accumulée pendant le Covid dans les fonds "Relance" de ces enveloppes.

Le précédent Gilets Jaunes

Mais depuis, le décor a changé de façon radicale. Le bras de fer avec la Russie, la crise énergétique, l’inflation et les élections législatives ont chamboulé les priorités politiques. La perte de pouvoir d’achat frappe avant tout la frange de la population la plus modeste, que le PER et l’assurance vie ne concernent pas. Aujourd’hui, les épargnants "moyens", ceux qui détiennent environ 20.000€ sur leurs contrats d’assurance vie, ne représentent même qu’un tiers des montants déposés sur ces enveloppes, rapporte une enquête du cabinet Fact & Figures publiée la semaine dernière.

Les efforts doivent donc dépasser l'épargne des plus aisés pour être avant tout portés sur les classes moyennes et modestes. Les frais de tenue de compte et d’opération bancaires sont un marronnier populaire, l’un des grands chevaux de bataille des associations de défenses des consommateurs. Un sujet dont s’était d’ailleurs emparé le mouvement des Gilets Jaunes, et sur lequel il avait quelques avancées : la profession avait accepté le gel des tarifs pendant un an ainsi qu'un plafonnement des frais pour les clients les plus démunis.

+2,5% en 2021

Comme les transports, le logement, l’électricité, le chauffage et l’alimentation, les services bancaires font partie des dépenses "de base", incompressibles des ménages. En France, le droit au compte bancaire est d'ailleurs une obligation légale : ce droit vaut pour tout résident du territoire, quelle que soit sa situation financière, même pour les personnes frappées d’interdit bancaire (qui est l’interdiction d’émettre des chèques).

Tenter d’agir sur la maîtrise de ces frais – qui ont en moyenne augmenté de 2,5% au début de l’année selon l’association Consommation, logement et cadre de vie (les grilles tarifaires sont fixées annuellement par les banques) – est donc pour le ministre de l’Economie un moyen de désamorcer une nouvelle source d’appauvrissement des ménages.

Avec une croissance au ralenti, tout un lot de dépenses promises à augmenter fortement d’ici à la fin de l’année (alimentation et énergie, en premier lieu) et des salaires qui augmentent peu, les incidents bancaires vont bondir ces prochains mois.

Découverts

EN 2021, 23% des Français ont été en situation de découvert tous les mois, rapporte un sondage YouGov réalisé pour le site d’information spécialisé MoneyVox, publié ce jeudi. Et le niveau de ces découverts est loin d’être négligeable : d’un montant médian de 200€, ces découverts dépassent 500€ dans 16% des cas. « Un chiffre à mettre en perspective avec le salaire médian en France : 1 800 €. Les découverts sont donc relativement profonds, et difficile à résorber vue la faiblesse des niveaux de salaires », souligne Maxime Chipoy, président du site MoneyVox.fr.

Autant dire que cette année, la situation financière de ces ménages ne s’est pas arrangée. Sans surprise, plus de la moitié des personnes interrogées par YouGov s’attendent à être davantage à découvert dans les mois à venir. « Les Français sont lucides sur la situation. Avec l’inflation et une probable récession dans les prochains mois, l’avenir sera sans doute difficile. La remontée des incidents de paiement sur les crédits, ou le boom des minicrédits instantanés ou du Buy now, pay later montrent que beaucoup d’entre eux sont déjà en train de jongler pour leurs fins de mois », analyse Maxime Chipoy.

Négociations

Reste à savoir ce que Bruno Le Maire pourra obtenir d’une profession qui considère globalement avoir déjà fait sa part ces dernières années, invoquant en particulier les mesures prises après la crise des Gilets Jaunes, et qui doit, comme beaucoup d’autres, faire face aux revendications salariales des syndicats.

« Nous avons déjà beaucoup rogné sur nos marges », nous déclarait ainsi cet été une source d’un grand réseau bancaire. « Une baisse des tarifs se répercuterait automatiquement sur une dégradation de la qualité de nos services, et je ne pense pas que c'est ce que souhaitent nos clients », arguait-elle.

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