« Fiscalité des terrains à bâtir : quand le gouvernement change de stratégie »

« Fiscalité des terrains à bâtir : quand le gouvernement change de stratégie »

Erwan Grumellon, responsable de l'ingénierie patrimoniale de SwissLife Banque Privée

« Fiscalité des terrains à bâtir : quand le gouvernement change de stratégie »
Crédit photo © SwissLife Banque Privée

Tous les chemins mènent à Rome ! Tel pourrait être l’adage pour qualifier l’entreprise dirigée avec ténacité par le président de la République pour mettre sur le marché « des ressources foncières constructibles disponibles ».

Pour atteindre cette fin, la variable retenue par nos gouvernants est l’évolution de la fiscalité applicable sur les plus-values de cession des terrains à bâtir.

Deux projets sanctionnés

Pour rappel, le premier projet de loi de finances de l’ère Hollande, c’est-à-dire le projet de loi de finances pour 2013, prévoit la suppression immédiate de l’abattement pour durée de détention et la fin programmée du taux spécifique de l’impôt sur le revenu de 19% pour une taxation au barème, ceci à compter de 2015. Concrètement, la stratégie est basée sur la menace : « vendez au plus vite, sinon la facture sera plus lourde… ».

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Facture tellement alourdie que le Conseil constitutionnel sanctionne l’ensemble de l’article de la loi de finances. Le gouvernement doit donc, revoir sa copie ; chose confirmée rapidement afin de provoquer un « choc d’offres immobilières ». La stratégie reste quasi identique : fin immédiate de l’abattement pour durée de détention mais maintien du taux spécifique de 19% (projet de Loi de finances pour 2014). L’issue de ce texte est la même qu’à la première tentative… censure des Sages !

Un système à deux vitesses

Alors que dans le même temps, l’exonération plus rapide des plus-values sur les biens bâtis est confirmée – 22 ans au lieu de 30 ans – se pose par conséquent la question de l’application ou non de cette nouvelle règle aux plus-values sur les terrains à bâtir, et ceci depuis la décision du Conseil constitutionnel. Exonération au terme de 22 ans ou de 30 ans ?

La logique de sur-taxation de ces plus-values incite nos gouvernants à retenir la non application de ce nouveau barème d’abattements aux terrains à bâtir. On distingue, maintenant, fiscalité des plus-values des biens bâtis (avec une exonération au terme de 22 ans) et fiscalité des terrains à bâtir (avec une exonération au terme de 30 ans). Petite victoire donc !

Mais victoire pas assez importante pour entrainer une pression insupportable sur les propriétaires les obligeant à céder au plus vite et, de facto, aboutir à une sur-offre sur le marché. Pis, l’effet est même inverse.  La menace n’a pas fonctionné et laisse place à une rétention immobilière.

Un alignement de façade

De ce constat rapide, et sous le lobbying des promoteurs immobiliers qui depuis plusieurs années souhaite un allègement temporaire de la fiscalité de ces plus-values, le gouvernement actuel réaligne « soit disant » la fiscalité des terrains à bâtir sur celle des biens bâtis. L’exonération promise s’obtiendrait désormais au terme de 22 ans pour l’impôt sur le revenu et de 30 ans pour les prélèvements sociaux.

Or, le projet de Loi de finances pour 2015, qui légalise l’actualisation récente du Bofip, prévoit bien cet alignement mais prévoit également un nouvel abattement supplémentaire spécifique de 30% applicable pour l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux (cessions à des tiers autres que l’entourage du cédant, ie : ascendants, descendants, conjoint, partenaire de Pacs, concubin notoire…).

Les tableaux ci-dessous montrent bien la volte-face du gouvernement sur la fiscalité des plus-values sur terrains à bâtir.

Par ailleurs, précisons également que la taxe additionnelle sur les plus-values supérieures à 50.000 € ne s’applique pas aux terrains à bâtir. La différence de traitement entre ces deux catégories de biens devient donc plus importante. On est loin d’un « soit disant » alignement de la fiscalité.

Un changement de cap

La stratégie actuelle du gouvernement est donc diamétralement opposée à celle suivie les deux années précédentes dans les projets de lois de finances pour 2013 et pour 2014. D’une stratégie de taxation excessive, le pari actuel est un excessif allègement de cette fiscalité.

Cette nouvelle donne rassurera probablement les promoteurs en manque de foncier mais est-ce qu’elle convaincra les propriétaires de céder ces terrains si bien situés et si convoités… en forte plus-values ? Certainement puisque cet allègement n’est que temporaire avec une fin de la fenêtre le 31 décembre 2015. Finalement, la menace n’a pas totalement disparu…

Comparatif de la fiscalité sur les plus-values
SwissLife Banque Privée
jusqu'au 31/08/2014Depuis le 01/09/2014
Abattement bâtiAbattement terrainsAbattement bâtiAbattement terrains
IRPSIR et PSIRPSIRPS
Moins de 6 ans25%25%0%0%0%30%30%
6 à 7 ans29,5%26,2%2%6%1,65%34%31,2%
7 à 8 ans34%27,5%4%12%3,3%38%32,3%
8 à 9 ans38,5%28,7%6%18%4,9%42,6%33,5%
9 à 10 ans43%29,9%8%24%6,6%47%34,6%
10 à 11 ans47,5%31,2%10%30%8,2%51%35,8%
11 à 12 ans52%32,4%12%36%9,9%55%36,9%
12 à 13 ans56,5%33,7%14%42%11,6%59%38,1%
13 à 14 ans61%34,1%16%48%13,2%64%39,2%
14 à 15 ans65,5%36,1%18%54%14,8%68%40,4%
15 à 16 ans70%37,4%20%60%16,5%72%41,6%
16 à 17 ans74,5%38,6%22%66%18,1%76,2%42,7%
17 à 18 ans79%39,8%24%72%19,8%80%43,9%
18 à 19 ans83,5%41,1%28%78%21,4%84,6%45%
19 à 20 ans88%42,3%32%84%23,1%89%46,2%
20 à 21 ans92,5%43,6%36%90%24,7%93%47,3%
21 à 22 ans97%44,8%40%96%26,4%97%48,5%
22 à 23 ans100%46%44%100%28%100%50%
23 à 24 ans52,7%48%37%56%
24 à 25 ans59,5%52%46%62%
25 à 26 ans66,2%60%55%69%
26 à 27 ans73%68%64%75%
27 à 28 ans79,7%76%73%81%
28 à 29 ans86,5%84%82%87%
29 à 30 ans93,25%92%91%94%
Plus de 30 ans100%100%100%100%
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