Révéler l’identité d’un fraudeur fiscal n’est pas contraire au respect de la vie privée, selon la CEDH

Révéler l’identité d’un fraudeur fiscal n’est pas contraire au respect de la vie privée, selon la CEDH

Pratiqué en France par le fisc pour les personnes morales, le "Name & Shame" n'est pas anticonstitutionnel quand il cible les particuliers, considère la Cour européenne des droits de l'homme.

Révéler l’identité d’un fraudeur fiscal n’est pas contraire au respect de la vie privée, selon la CEDH
Crédit photo © Reuters

Grâce à la Cour européenne des droits de l’homme, la pratique du "Name & Shame", une technique déjà bien usitée par l'administration américaine pour dissuader les contribuables de fraude fiscale en "balançant" publiquement l’identité des mauvais élèves, semble avoir de beaux jours devant elle en Europe.

Saisie par un citoyen hongrois qui contestait que l’autorité financière de son pays ait publié son nom, son adresse et le montant de sa condamnation fiscale en vertu du droit au respect de la vie privée et familiale, la CEDH lui a donné tort dans un arrêt rendu le mois dernier relevé par Capital.

La cour a en effet considéré que la publication de ces éléments n’était pas contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège ce droit dans son article 8.

Un mécanisme admis en France pour les personnes morales

En France, le Name & Shame est admis depuis fin 2018 pour les personnes morales (mais pas pour les personnes physiques) dont la fraude atteint un minimum de 50.000€, auquel s’ajoute un critère de l’existence d’un abus de droit ou de manœuvres frauduleuses. L’identité de ces "fraudeurs", la nature, le montant des droits fraudés et des pénalités appliquées, l’activité professionnelle et leur lieu d’exercice peuvent être révélés par le fisc en vertu de l’exemple.

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La pratique française est toutefois relativement encadrée : ces publications du fisc doivent recueillir le feu vert de la commission des infractions fiscales, ne peuvent pas durer plus d'un an, et les organisations ayant fait l’objet d’une telle publication ont la possibilité de la faire suspendre ou de la faire cesser en exerçant un recours judiciaire sur les impositions et pénalités à l’origine de leur Name & Shame.

Pendant toute la durée de la procédure jusqu’à la décision de justice, leur nom ne doit pas apparaître. « Et au cas où les impositions et les amendes ou majorations auraient fait l’objet d’une publication, l’administration devra également rendre publique sur son site internet toute décision juridictionnelle revenant sur ces impositions ou majorations », précisait Daniel Gutman, avocat et professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne, dans un commentaire de la loi de 2018 paru dans Option Finance.

Vers un élargissement ?

En France, le pouvoir législatif avait tenté de rendre éligibles les personnes physiques au mécanisme, mais cette proposition à l'origine formulée dans le projet de loi inscrivant le Name & Shame, avait été retirée par crainte qu'elle se heurte justement au respect de la vie privé, droit constitutionnel consacré par la Déclaration des droits de l'homme de 1789.

L’arrêt de la CEDH vient donc ouvrir la porte à son élargissement aux particuliers, en « [atténuant son] risque juridique », explique à Capital Nicolas Vergnet, maître de conférence en droit public à l’université Paris II Panthéon-Assas, car le spécialiste considère « peu probable » que le Conseil constitutionnel interprète plus strictement que la CEDH le respect au droit à la vie privée. Une potentielle évolution à surveiller...

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