Héritage : chez les électeurs de droite comme de gauche, l’impôt sur la mort ne passe pas

Héritage : chez les électeurs de droite comme de gauche, l’impôt sur la mort ne passe pas
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Une personne sur deux n'en paiera jamais de sa vie, et pourtant : les Français se prononcent massivement pour une diminution des droits de succession. Près de la moitié d'entre eux se déclarent même favorables à leur suppression pure et simple.

Héritage : chez les électeurs de droite comme de gauche, l’impôt sur la mort ne passe pas

Taxer davantage les héritages des ménages aisés pour favoriser une meilleure répartition des richesses ?

Défendue par plusieurs récents rapports d’experts (OCDE, commission Tirole-Blanchard, Conseil d’analyse économique…), et reprise dans les programmes des candidats de gauche à l’élection présidentielle, cette proposition est loin de trouver grâce aux yeux des Français.

Près d'un Français sur deux souhaite supprimer tout impôt sur l'héritage

D’après un sondage Ifop du Cercle de l’Epargne publié cette semaine, ils y sont même radicalement opposés, puisque près d’un citoyen sur deux (49%) souhaite au contraire la suppression totale des droits de succession, et ce « quel que soit le montant de l’héritage ».

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En France, où le niveau des prélèvements obligatoires reste l’un des plus élevés d’Europe, les hausses d’impôt ont toujours provoqué des leviers de boucliers, mais celles touchant à l’héritage sont particulièrement impopulaires.

Un sentiment plus fort chez les ménages modestes...

Sur ce sujet à la dimension affective, l’idée de confiscation du fruit d’une vie de labeur ne passe pas auprès des Français. Et en particulier auprès des plus modestes, qui échappent pourtant à toute taxation en vertu du système actuel.

Un paradoxe que montre l’enquête du Cercle de l’Epargne : plus le patrimoine financier et l’héritage sont faibles, plus l’opposition à l’idée d’un impôt, même progressif, est forte.

D’après ce sondage, 56% des personnes ne disposant pas de patrimoine financier, et 52% de celles n’ayant jamais bénéficié d’un héritage important et ne pensant pas en laisser un, souhaitent une suppression totale de l’impôt sur les successions. Un souhait qui "tombe" à 35% chez les ménages déclarant disposer d’un patrimoine financier élevé, et n’est exprimé que par moins de la moitié (48%) de ceux qui pensent laisser un héritage important.

... et l'électorat de droite

Ce rejet de l’impôt sur la mort s’exprime fortement chez les électeurs de droite – et de l’extrême droite (64% des Français ayant l’intention de voter Marine Le Pen au premier tour, et 61% de ceux de Pécresse), mais il est aussi présent à gauche : la suppression des droits de succession est souhaitée par plus d’un tiers des électeurs de Jean-Luc Mélenchon (38%).

Or, le candidat LFI défend une proposition inverse : interdire les héritages au-delà de 12 millions d’euros, projet qui ne recueille que 9% d’adhésion au sein de l’opinion publique, toutes sensibilités politiques confondues, et seulement 19% du côté de son propre électorat. Ce sont en réalité les électeurs de Yannick Jadot qui sont les plus ouverts à cette "confiscation" des héritages multimillionnaires proposée par Mélenchon : 23% des partisans du candidat écologiste s’y déclarent favorables.

Logiquement, la proposition de porter l’exonération fiscale jusqu’à 200.000€ (contre 100.000€ actuellement), qui permettrait d’alléger l’impôt sur les successions d’une partie des Français, une idée défendue par Eric Zemmour et Valérie Pécresse* est mieux accueillie : un quart des Français l’appuient.

Enfin, l’option du statu quo – reposant sur une franchise d’impôt pour les héritages en ligne directe (parents-enfants) ne dépassant pas 100.000€ - n’obtient que 17% d’opinion favorable.

Le patrimoine des Français est majoritairement hérité

L’héritage et la transmission sont des sujets centraux dans la répartition des richesses actuelle : l’enrichissement des ménages est de moins en moins corrélé aux revenus du travail, et de plus en plus à l’héritage. Il représente aujourd’hui 60% de leur patrimoine, alors que sa part était encore limitée à 35% au début des années 70.

Le patrimoine des Français est en outre très inégalement réparti au sein de la société : hérité de plus en plus tard (à 50 ans en moyenne), celui-ci est aussi de plus en plus concentré entre les mains des seniors et de la population aisée.

Des exonérations fiscales limitées pour les transmissions en ligne indirecte

D’après Philippe Crevel, économiste et président du Cercle de l’Epargne, seulement la moitié des héritages en France sont aujourd’hui taxés. L’autre moitié y échappe grâce à l’exonération fiscale des 100.000€ et divers mécanismes d’optimisation fiscale, des leviers très utilisés par les ménages les plus riches, selon le Conseil d’analyse économique.

Quant aux donations entre vivants – qui bénéficient d’un abattement de 100.000€ tous les quinze ans pour celles réalisées en ligne directe – elles concernent une minorité de Français (18% des ménages en 2018 selon l’Insee) et sont aussi majoritairement peu ou pas taxées, dans la mesure où plus de 80% des donations ne dépassent pas 100.000€, et 87% sont réalisées entre parents et enfants.

La fiscalité française des transmissions, très généreuse en ligne directe, est cependant plus lourde dès lors que ces transmissions concernent la parenté en "ligne indirecte" ou des personnes sans lien de sang. Par exemple, l’exonération d’impôt pour les héritages entre frères et sœurs est limitée à 15.932€, et celle aux neveux et nièces à 7.967€.

Pour les enfants du conjoint, considérés comme "personnes non parentes", l’abattement tombe à 1.594€. Avec l’évolution du schéma familial (familles recomposées…), la majorité des candidats à la présidentielle propose de revaloriser les abattements en ligne indirecte.

*J.-L. Mélenchon propose de limiter cette hausse à 120.000€, Macron à 150.000€ tandis qu’Anne Hidalgo souhaite la porter à 300.000€.

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