Task Force de Bercy : la traque des avoirs russes bat son plein

Task Force de Bercy : la traque des avoirs russes bat son plein
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La Task Force de Bercy en charge de la mise en œuvre des sanctions européennes à l'encontre des proches du pouvoir russe a permis en quelques jours le gel ou la saisie de quatre cargos et d'un yacht.

Task Force de Bercy : la traque des avoirs russes bat son plein
Crédit photo © Reuters

Annoncée mardi par le ministre de l’Economie, la constitution d’une Task Force - réunissant la direction générale des Finances publiques, Tracfin (les services du renseignement financier), la direction du Trésor et les Douanes – chargée de repérer, de geler voire de saisir les avoirs des personnalités russes sous le coup des sanctions européennes est pleinement opérationnelle.

Depuis l’adoption de ces sanctions adoptées la semaine dernière – qui incluent le gel des avoirs financiers et biens immobiliers de plus de 500 personnes et entités proches du Kremlin, la cellule déployée par Bercy a déjà permis de saisir ou geler un yacht et quatre cargos sur le territoire national, selon un premier bilan communiqué par le ministère à la presse jeudi 3 mars.

Un yacht et quatre cargos

Pris dans les filets de la douane française : le navire commercial Baltic Leader, saisi il y a une semaine à Boulogne-sur-Mer, trois autres cargos situés à Fos-sur-Mer, Lorient et Saint-Malo, ainsi que le yacht d’Igor Setchine, patron du groupe pétrolier russe Rosneft, saisi à La Ciotat dans la nuit du 2 à 3 mars alors que « le navire prenait disposition pour appareiller dans l’urgence ».

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Constituée de plusieurs dizaines de personnes – complétée de centaines d’agents publics sur le terrain – la Task Force de Bercy traque les avoirs et biens potentiellement détenus en France d’une liste de 510 personnes et entités constituée par l’UE.

Mais elle est également chargée de la compléter, en s’appuyant notamment sur les services du renseignement français, en repérant les avoirs russes de toute nature sur le territoire national pour identifier leurs propriétaires et vérifier que ces derniers ne participent pas à l’effort de guerre du Kremlin.

Paris souhaite passer du gel à la saisie

Les sanctions décidées à Bruxelles consistent en le gel des biens et avoirs : les comptes bancaires sont bloqués, aucun virement, transfert ou toute autre opération ne peut être réalisé – quant aux biens immobiliers, ils ne peuvent être ni vendus, ni loués. Théoriquement, la jouissance de ces derniers reste possible pour leurs propriétaires, « mais dans la pratique, l’écrasante majorité des personnalités ciblées sont interdites des territoires français et européens », explique-t-on à Bercy.

Bruno Le Maire souhaite aller plus loin, en permettant la saisie des biens, une mesure plus contraignante que le simple "gel" car elle permet d’engager une enquête et des poursuites judiciaires qui peuvent aboutir au retrait de la propriété, transférée in fine à l’Etat.

En France, le droit de propriété est un droit constitutionnel qui ne peut tomber que par une décision pénale.

Pour l’heure, et en dehors du cas particulier d’une infraction constatée (comme la tentative de fuite du yacht d’Igor Setchine), cette option n’est donc pas possible, mais le ministère de l’Economie a fait savoir qu’il échangeait avec la Chancellerie pour trouver un « cadre juridique sécurisé » afin de passer du gel aux saisies.

Le nombre de personnalités russes et la valeur du patrimoine ciblé sur le territoire français ne sont pas communiqués par l’exécutif : « la liste évolue constamment », et il reste peu probable qu’au cœur de la crise, l’exécutif se risque à dévoiler ces informations. Dans ce jeu du chat et de la souris, les cibles ne sont pas uniquement des oligarques au train de vie clinquant.

Elles comprennent également des élus de la Douma, des figures plus discrètes aux avoirs plus modestes, pour lesquelles l’enjeu est tout aussi stratégique – et préventif, puisqu’il s’agit de s’assurer qu’aucune ressource financière française ou européenne ne participe de près ou de loin au soutien économique de la Russie. Et d’agir le plus rapidement possible avant que les personnalités ciblées trouvent une porte de sortie pour échapper aux sanctions.

Une économie russe au bord de l'asphyxie

Une semaine après le début de l’invasion russe, l’escalade du conflit met Bercy en alerte maximale.

« Exactement comme la crise du coronavirus […] le ministère de l’Economie et des Finances s’est remis en mode crise depuis plusieurs heures pour adopter ces sanctions, mesurer leur efficacité et préparer les mesures de protections demandées par le président », a déclaré hier après-midi Bruno Le Maire lors d’un point téléphonique.

« L’unité européenne pour la mise en œuvre de ces sanctions a été totale et spectaculaire », s’est félicité le ministre qui a rappelé que les 27 membres de l’UE se sont entendus « en l’espace de quelques jours » sur une « batterie de sanctions massives » dont l’efficacité dépasse les attentes…

La « désorganisation complète du système financier russe », conséquence de l’exclusion de sept banques russes du réseau Swift (représentant 30% des avoirs bancaires de la Russie), mais aussi l’effondrement du rouble et la fermeture des marchés financiers russes, dus à la localisation et le gel du tiers des 650 Md$ avoirs de la banque centrale russe, ont entraîné Moscou en quelques jours dans une situation économique extrêmement critique, au bord de la cessation de paiement.

Des sanctions sur les cryptos en préparation

Et ce n’est pas fini : « Nous nous tenons prêts à durcir les sanctions si nécessaire. Et nous avons encore une batterie de sanctions possibles contre le régime de Vladimir Poutine si nécessaire », a prévenu Bruno Le Maire sur les chapeaux de roues, au sortir d’une consultation avec les représentants du patronat (Afep, Medef, CPME, U2P). Paris planche entre autres avec Bruxelles sur une nouvelle salve de mesures ciblant les cryptomonnaies, utilisées par Moscou pour contourner le gel de ses avoirs.

Le ministre, qui doit s'entretenir avec des économistes la semaine prochaine pour évaluer les conséquences du conflit sur la croissance française, prépare aussi le nouveau plan de relance annoncé par Emmanuel Macron pour protéger les entreprises et les ménages de la crise ukrainienne.

Baptisé « plan de résilience », il sera dévoilé par Jean Castex la semaine prochaine et devrait prévoir des "aides sur le carburant", a précisé ce vendredi la ministre de la Transition écologique.

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