Réforme de l'assurance de prêt immobilier : quels impacts pour l'emprunteur et les acteurs du marché ?

Réforme de l'assurance de prêt immobilier : quels impacts pour l'emprunteur et les acteurs du marché ?

Tribune d'Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia.fr.

Réforme de l'assurance de prêt immobilier : quels impacts pour l'emprunteur et les acteurs du marché ?
Crédit photo © Magnolia

Entrée en application au 1er juin 2022, la loi Lemoine réforme en profondeur le marché de l'assurance de prêt immobilier. Avancée majeure pour les droits des consommateurs, cette nouvelle réglementation a aussi des revers : une augmentation des tarifs et une appréciation du risque en pleine évolution.

Changement d'assurance emprunteur à tout moment

Depuis le 1er juin dernier, tout nouvel emprunteur peut résilier son assurance crédit immobilier à tout moment dès la signature de l'offre de prêt. Le dispositif s'appliquera aux contrats en cours à compter du 1er septembre prochain.

Réclamée depuis des années par les associations de consommateurs et les assureurs, cette mesure forte est source d'économies importantes pour les emprunteurs. Souvent contraints de souscrire l'assurance bancaire pour obtenir leur financement à temps, ils récupèrent ainsi du pouvoir d'achat en substituant le contrat en cours par une offre jusqu'à trois fois moins chère à garanties équivalentes.

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En facilitant la résiliation, le législateur ouvre de nouvelles perspectives aux alternatifs grâce au relâchement du monopole bancaire sur l'assurance emprunteur. Déjà vive, la concurrence entre les différents acteurs va s'intensifier au bénéfice des consommateurs.

Suppression du questionnaire de santé : menace sur les tarifs

La loi Lemoine introduit la fin de la sélection médicale pour les prêts de moins de 200.000 euros remboursés avant les 60 ans de l'emprunteur, une mesure inclusive pour les personnes touchées par la maladie. Avant cette loi, le questionnaire médical engendrait de fortes discriminations liées à l'historique de santé des malades et anciens malades, qui se traduisaient par d'importants surcoûts, des exclusions de garanties voire des refus d'assurance.

Sans aucune donnée de santé sur ce segment pour appuyer leur tarification, les assureurs sont obligés de mutualiser les risques, au détriment des profils jeunes et en bonne santé qui paient habituellement le moins cher leur assurance de prêt. On passe d'une discrimination à une autre sous couvert d'un effort d'inclusion par ailleurs louable. Les professionnels parlent d'une augmentation des tarifs entre 5% et 20%, ce qui pénalise les jeunes actifs souvent dotés de plus faibles revenus que les autres emprunteurs.

Le formulaire de souscription va sans doute évoluer pour inclure des données autrefois renseignées dans le questionnaire de santé : le tabagisme et la pratique d'un sport dangereux. Les risques professionnels sont une autre donnée majeure, comme les déplacements. Par exemples, ceux qui fument et roulent beaucoup vont payer très cher leur assurance s'ils n'ont pas à remplir de questionnaire de santé.

Ce qui était présenté comme une mesure en faveur du pouvoir d'achat risque de se révéler contre-productive en raison d'une hyper mutualisation loin d'être favorable au plus grand nombre.

Droit à l'oubli : attention aux contournements

Troisième mesure phare de la loi Lemoine, le délai minimal pour bénéficier du droit à l'oubli passe de 10 à 5 ans, et concerne les anciens malades d’un cancer, et désormais les personnes guéries d'une hépatite C. Passé ce délai, les emprunteurs éligibles n'ont pas à déclarer leur ancienne pathologie dans le questionnaire de santé.

Les anciens malades peuvent aujourd’hui accéder à la propriété sans attendre un délai souvent dissuasif pour concrétiser un projet immobilier. Si elle salue la mesure, la Ligue contre le cancer appelle les pouvoirs publics à être vigilants quant à l'application de la loi. Elle craint des tentatives de contournement de la disparition du questionnaire de santé dans le cadre des prêts inférieurs à 200.000 euros dont le terme intervient avant les 60 ans de l'emprunteur et de la non-déclaration d’un cancer ou d’une hépatite C.

La souscription à l'assurance pourrait ainsi être conditionnée à la prise d'un contrat de prévoyance soumis à un questionnaire médical, ou les garanties activées après un long délai de carence.

Ajoutons que les banques conservent l'appréciation du risque médical de manière indirecte via l'étude des revenus où figurent notamment les primes de mutuelle, les indemnités journalières pour arrêt maladie ou les congés de longue maladie.

Depuis le 1er juin, chez Magnolia.fr nous traitons trois fois plus de demandes de substitution d'assurance de prêt, signe que les emprunteurs ont compris l'enjeu financier de la loi Lemoine. Le volume devrait exploser à compter du 1er septembre avec la généralisation de la résiliation à tout moment.

D'ici là, il convient de s'interroger sur les stratégies mises en place par les banques pour éviter l'hémorragie. La réforme prévoit des sanctions allant jusqu'à 15.000 euros pour les établissements en infraction avec les règles. Le passé a montré qu'elles ne sont jamais appliquées face au puissant lobby bancaire.

©2022-2024
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Astrid Cousin

Le parcours d'Astrid Cousin

Porte-parole, Magnolia.fr

Astrid Cousin a intégré le courtier en assurance emprunteur Magnolia.fr en 2017. Elle est porte-parole de Magnolia.fr et est spécialisée depuis 5 ans dans l'analyse du marché de la distribution de produits bancaires et assuranciels. Aujourd'hui experte en assurance emprunteur, elle appréhende et analyse les enjeux comme les tendances spécifiques à la délégation d'assurance.

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