Sandrine Allonier, responsable des relations banques du courtier Vousfinancer.com
Après plus de 3 ans de baisse quasi-ininterrompue et l’annonce mois après mois de nouveaux records, la remontée des taux d’emprunt d’Etat début mai semble avoir sonné le glas de cette période bénie. En effet, une quinzaine de banques ont augmenté leurs taux de crédit immobilier ces dernières semaines, et si la hausse des taux est loin d’être généralisée, la baisse semble bien être terminée.
Premières hausses
Depuis mi-mai, une quinzaine de banques, nationales ou régionales, ont augmenté leurs taux de crédit de 0,05 à 0,30 point selon les établissements. Seule une banque a baissé ses taux... Mais le mouvement est loin d’être généralisé, d’autant que beaucoup d’établissement ont laissé leurs taux stables, non sans toutefois laisser entendre qu’elles les remonteraient également dans les prochaines semaines. En attendant, les banques semblent ne pas vouloir augmenter leurs taux toutes en même temps, à la fois pour rester bien positionnées par rapport à la concurrence, mais également pour ne pas casser la dynamique de marché constatée depuis le début de l’année.
Mais à moyen terme, le mouvement de hausse semble inévitable, compte tenu notamment de l’évolution des taux d’emprunt d’Etat. En juin, le taux de l’OAT 10 ans a atteint un nouveau plus haut depuis octobre 2014 à 1,34 %, soit une hausse de 1 point depuis son plus bas niveau historique mi-avril. Et depuis, il se maintient au-delà de 1%... En outre, dans le sillage de la remontée des taux de la Fed attendue pour le mois de septembre, les taux d’emprunt d’Etat européens pourraient suivre. S’il n’y a pas de lien direct entre taux d’emprunt d’Etat et taux de crédit immobilier, pour les banques, l’OAT 10 ans est une référence leur permettant de déterminer le niveau des taux de crédit, avec une marge d’ajustement plus ou moins importante selon leur politique commerciale… Car l’idée est bien sûr de continuer à conquérir de nouveaux clients via le crédit immobilier.
Une remontée progressive
C’est pourquoi, même si remontée des taux de crédit il y a, celle-ci devrait être très progressive, et dans les faits ne pas impacter fortement les emprunteurs, d’autant que ces hausses pourraient être compensées dans un premier temps par les décotes que les banques accordent pour capter les bons dossiers. En outre, depuis janvier 2012, la baisse des taux de crédit de 2 points en moyenne a permis une hausse de la capacité d’emprunt pour 1 000 € par mois de 20 % (+31 430 €). Une remontée des taux de 0,10% viendrait la faire diminuer de 1 % seulement (-1 770 €). Et même si les taux augmentaient de 0,50 point d’ici la fin de l’année, le gain lié à la baisse des taux serait loin d’être annulé (- 8 620 € de capacité d’emprunt, soit un gain restant par rapport à 2012 de 22 810 €).
Enfin, la remontée des taux pourrait dans un sens assainir la demande de crédit et la fluidifier. Depuis le début de l’année, celle-ci est telle, notamment à cause des renégociations de prêts, que les pôles de traitement des dossiers de crédit de nombreux établissement sont saturés, entrainant inévitablement un allongement des délais…
A relativiser
La remontée des taux est donc à relativiser… Pour rappel, en 2011, année de forte hausse après un premier plus bas historique atteint fin 2010, les taux de crédit étaient passés de 3,60 à 4,30% en 12 mois, soit +0,70 point. Pour autant, 2011 restera comme une année record pour l’immobilier avec 855 000 transactions dans l’ancien et 139 milliards d’euros de production de crédit… Mais cette année-là, le marché était soutenu par un PTZ dans l’ancien sans conditions de ressources et un dispositif fiscal, le Scellier, très avantageux. Des leviers remplacés depuis par des dispositifs moins avantageux, qui risquent de ne pas pouvoir compenser une remontée des taux, si celle-ci devient trop marquée…
