« Encore une loi pour tenter de réguler le marché de l’assurance emprunteur »

« Encore une loi pour tenter de réguler le marché de l’assurance emprunteur »

Astrid Cousin, porte-parole du courtier en assurance emprunteur magnolia.fr

« Encore une loi pour tenter de réguler le marché de l’assurance emprunteur »
Crédit photo © Magnolia

Ces dernières semaines ont été très intenses pour tous les acteurs du marché de l’assurance de prêt... Une vraie saga qui n’a pas connu la « happy ending » que nous attendions tous. Ce marché à 9 milliards d’euros encore détenus à 87% par les banques a failli connaître un vrai tournant en offrant la possibilité aux emprunteurs de pouvoir changer d’assurance de prêt quand ils le souhaitaient. Votée dans un premier temps à l’Assemblée contre l’avis du gouvernement dans le cadre de la loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique, cette possibilité a été supprimée en Commission mixte paritaire quelques jours après. Le lobby bancaire a ainsi gagné son plus grand combat : conserver ce marché ultra juteux sur un produit sur lequel les établissements prêteurs peuvent marger à leur guise. A la place de ce dispositif, le législateur est revenu sur une proposition émanant du sénateur Bourquin visant à renforcer son propre amendement de 2018. Explications…

Retour sur une bataille législative sans précédent

En février 2017, l’amendement Bourquin offrant la possibilité de changer chaque année d’Assurance de Prêt à date d’anniversaire du contrat (avec un préavis de 2 mois) a été adopté par le Parlement. La Fédération Bancaire Française, vivement opposée à cet amendement, avait tenté plusieurs manœuvres législatives pour ne pas que le texte soit adopté. En vain. Sa mise en application dès le 1er janvier 2018 devait permettre à tous les emprunteurs qui avaient loupé le coche de la loi Hamon (possibilité de résilier durant la 1ere année de vie du contrat) de se délester de leur contrat groupe bancaire en faisant jouer la concurrence et ainsi réaliser d’importantes économies sur leur crédit immobilier.

Cependant, ce dispositif est rapidement devenu lourd et complexe pour l’emprunteur comme pour tous les intermédiaires accompagnant les particuliers dans leurs démarches :

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  • La date d’anniversaire a posé pendant presque un an de nombreux problèmes avant que le CCSF table sur une date unique : la date de la signature de l’offre de prêt.
  • Cette date est ultra complexe à trouver et l’emprunteur peut attendre plusieurs mois avant que la banque lui communique.
  • Suite à une demande de résiliation, la banque a seulement 2 motifs valables pour la refuser : le dépassement du délai de préavis et la non équivalence des garanties. Seulement, les établissements prêteurs usent de très nombreuses manœuvres dilatoires pour empêcher leurs clients d’avancer : problème de capital restant dû, de durée restante, fausse pièce manquante, garanties non équivalentes alors qu’elles le sont, demande de frais de résiliation…. Etc.
  • Pendant plus de 6 mois, Magnolia.fr essuyait 70% de refus. Aujourd’hui, et avec une grande organisation interne, 10% à peine. En moyenne, magnolia intervient 5 fois sur une demande de résiliation. Les démarches sont colossales.

Plusieurs professionnels sont intervenus auprès du sénateur Bourquin afin qu’il puisse tenter de les aider dans leur combat. Les dénonciations auprès de l’Autorité Contrôle Prudentiel et de Résolution, seul organisme en charge de surveiller le comportement des banques, n’ayant eu aucun impact, monsieur Bourquin a donc décidé de proposer une loi visant à renforcer son dispositif déjà mis en place. C’est la naissance de la 4ème législation concernant l’assurance emprunteur. Jusqu’ici, rien n’a fait bouger le marché.

Des emprunteurs mieux informés mais toujours d’importants vides législatifs

L’article 42 bis de la loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique émane donc du sénateur Martial Bourquin. Voici ce qu’il impose :

  • La date d’anniversaire est soit la signature de l’offre de prêt (ce qui était déjà le cas mais n’était pas inscrit dans la loi), soit toute autre date d’échéance prévue au contrat. Cette date doit être mentionnée sur toute documentation mise à la disposition de l’emprunteur et relative à son prêt.

L’inscription de cette date sur plusieurs documents est une bonne chose puisque l’emprunteur connaît actuellement de grandes difficultés à la trouver. La banque le savait et se servait de cela pour faire traîner les choses.

  • L’assureur informe chaque année l’assuré, sur support papier (…) du droit à la résiliation prévu à l’article L.113 -12 et doit également préciser toutes les modalités pour pouvoir y parvenir.

Cette information annuelle peut en effet réveiller les emprunteurs qui n’étaient pas encore au courant de ce droit. En revanche, nous doutons de l’efficacité de ce dispositif pour tous les emprunteurs qui recevraient cette information soit trop tôt, soit trop tard (après les 2 mois de préavis). Ces courriers risquent d’être envoyés tous en même temps donc une grande partie des emprunteurs ne seraient pas concernés immédiatement par cette possibilité.

  • Et enfin, dans le cas où la banque n’inscrirait pas la date d’échéance sur les documents et dans les cas où l’assureur manquerait à son devoir annuel d’informations, les articles L 341-26-1 et L 341-44-1 les sanctionnent d’une amende administrative ne pouvant excéder 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale.

Sanctionner sur ces points est une bonne chose mais nous doutons de la possible mise en application : qui va prévenir ? l’emprunteur ? Auprès de qui ? Avec quelles armes ? Rien n’est précisé ici. D’autre part, il y a une absence totale de sanctions concernant les non réponses des banques suites à une demande de résiliation (1 cas sur 3 chez Magnolia) et c’est sur ce point que nous avions besoin d’aide. Que l’emprunteur soit informé, c’est une bonne chose mais c’est surtout concernant la suite que les professionnels rencontraient des blocages importants. Le vide législatif concernant cette absence de réponse ou les refus illégitimes pose un vrai problème qui est jusqu’au alors irrésolu. Pour information, pour chaque demande de résiliation dans le cadre de l’amendement Bourquin, Magnolia intervient en moyenne 4 fois par dossier.

Le combat continue

Cette législation n’est pas inutile, mais totalement incomplète. Les professionnels du secteur comptent aujourd’hui sur celle qui a porté le projet de la résiliation à tout moment, la député Patricia Lemoine du groupe AGIR, qui a promis de continuer le combat en trouvant une opportunité future pour faire passer ce dispositif au sein d’une nouvelle loi. N’est-ce pas là la vraie simplification de l’action publique que cette loi nous promettait ? Une seule loi qui concernant la résiliation d’une assurance, comme pour tout autre produit d’assurance ? Pour rappel, ce marché est toujours maintenu majoritairement par des établissements prêteurs qui pratiquent des tarifs 2 à 3 fois supérieurs à la concurrence. Et la législation ultra complexe qui encadre l’assurance de prêt y est pour beaucoup.

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Astrid Cousin

Le parcours d'Astrid Cousin

Porte-parole, Magnolia.fr

Astrid Cousin a intégré le courtier en assurance emprunteur Magnolia.fr en 2017. Elle est porte-parole de Magnolia.fr et est spécialisée depuis 5 ans dans l'analyse du marché de la distribution de produits bancaires et assuranciels. Aujourd'hui experte en assurance emprunteur, elle appréhende et analyse les enjeux comme les tendances spécifiques à la délégation d'assurance.

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