« Donnons-nous les moyens de faire de la rénovation des logements un réflexe de consommation »

« Donnons-nous les moyens de faire de la rénovation des logements un réflexe de consommation »

Tribune de Nicolas Moulin, fondateur de PrimesEnergie.fr.

« Donnons-nous les moyens de faire de la rénovation des logements un réflexe de consommation »
Crédit photo © PrimesEnergie.fr

Alors que le secteur du bâtiment représente plus de 40% de l’énergie consommée en France, toutes les parties prenantes s’accordent sur l’urgence d’engager massivement des travaux de rénovation énergétique pour atteindre l’objectif de réduction par deux de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Le financement des économies d’énergie reste aujourd’hui le nerf de la guerre de ce volet fondamental de la transition énergétique, a fortiori au moment précis où un quart de la population rencontre des difficultés pour payer ses factures de gaz ou d’électricité qui ne vont certainement pas baisser au regard de la situation géopolitique…

L’État n’est pas le premier financeur des travaux de rénovation

Pour inciter les Français à réaliser des travaux de rénovation énergétique, le gouvernement a mis sur la table de l’Anah une enveloppe de 3,2 milliards d’euros en 2022. Objectif : aider les ménages à financer leurs travaux via MaPrimeRénov’, en particulier les plus modestes, qui ont représenté 63% des bénéficiaires en 2021. Depuis le 1er janvier dernier, seuls les logements ayant un minimum de 15 ans d’ancienneté peuvent en bénéficier (excepté pour le remplacement d’une chaudière au fioul pour les propriétaires qui effectuent une dépose de cuve à fioul).

Mais, contrairement aux idées reçues, l’État n’est pas le premier financeur de la rénovation énergétique en France. La « prime énergie », basée sur le dispositif européen des certificats d’économies d’énergie (CEE), représente l’aide la plus importante, 4 milliards d’euros par an, et est financée par des acteurs privés. Cumulable avec MaPrimeRénov’, financée par l’État et qui représente elle un montant global de 2 milliards d’euros, elle est accessible à tous les ménages (propriétaires occupants, bailleurs, locataires), aussi bien pour des résidences principales que secondaires. Le montant est calculé en fonction des revenus du foyer, de la localisation du bien et du type de travaux effectués. À titre d’exemple, elle peut permettre de financer l’installation d’une pompe à chaleur à hauteur de 4.000 euros.

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Rappelons la base du système : la condition indispensable pour bénéficier de ces deux aides est de réaliser d’abord sa demande de prime énergie et de PrimeRénov’ en ligne auprès d’un délégataire agrée comme PrimesEnergie.fr, avant de signer le devis des travaux. Une fois le devis signé, il est trop tard pour y prétendre.

Les CEE, le cœur du dispositif en danger

Malgré l’engouement des Français pour les travaux de rénovation et l’urgence avérée d’engager plus avant la transition énergétique du pays, force est de constater qu’aujourd’hui le financement n’est pas à la hauteur des besoins. À partir de 2023, les passoires thermiques les plus énergivores de la classe G seront interdites à la location, et tous les logements E, F et G le seront également à compter de 2034 : ce sont ainsi 5 millions de logements qui pourraient sortir du parc locatif s’ils n’ont pas été rénovés d’ici là. Conséquence : certains propriétaires renoncent à réaliser des travaux faute de financement, et préfèrent vendre leurs biens avec une décote.

Dans un contexte où les demandes d’aides sont plus nombreuses que jamais, les montants dont peuvent bénéficier les particuliers sont aujourd’hui en baisse (-20% pour les pompes à chaleur, -50% pour les chaudières ou l’isolation). La raison est technique mais simple : la distribution des primes énergie (CEE) est basée sur un quota d’économies d’énergie défini par l’État, qui n’augmente que de 10% entre 2022 et 2025, alors que le marché explose. Conséquence : en raison de cette timide hausse, le gâteau des aides reste sensiblement le même, mais beaucoup plus de particuliers désireux d’effectuer des travaux demandent leur part, ce qui oblige les délégataires à distribuer des primes moins importantes pour que tout le monde puisse continuer à en bénéficier. Parallèlement, ces faibles quotas contrarient les acteurs du marché des CEE qui ont du stock etont vu le cours des certificats baisser de 30% sur 12 mois. Ceux qui n’ont pas anticipé cette situation se retrouvent aujourd’hui en difficulté pour maintenir leur activité et le nombre de délégataires diminue.

Pour permettre de redistribuer des aides plus importantes aux ménages, il est essentiel que le gouvernement revoit à la hausse les ambitions fixées pour la période 2022-2025. La demande est là, les objectifs doivent suivre.

Les rénovations globales, fer de lance de la politique gouvernementale

Si le gouvernement a décidé de réduire l’éventail des aides disponibles, c’est avant tout pour limiter les effets d’aubaine, qui avaient notamment favorisé l’essor des offres à 1 euro générant un grand nombre d’arnaques. La ligne directrice vise aujourd’hui à recentrer les aides sur les travaux qui favorisent le plus d’économies d’énergie. Pour cela, l’accent est mis sur les rénovation dites « globales », qui englobent un bouquet de travaux pour agir aussi bien sur l’isolation que sur le mode de chauffage, par opposition aux mono-gestes moins efficaces.

Pour soutenir les foyers modestes et très modestes désireux de réaliser des travaux de rénovation globale, la nouvelle aide « MaPrimeRénov’ Sérénité » est donc entrée en vigueur cette année. Issue de la fusion de MaPrimeRénov’ et du programme « Habiter Mieux Sérénité » de l’Anah, elle concerne 5,5 millions de propriétaires. Bien qu’ayant elle aussi subi une baisse conséquente des montants financés, elle peut aujourd’hui couvrir jusqu’à 50% des dépenses occasionnées, à condition que les travaux engagés permettent un gain d’énergie d’au moins 35% pour les bâtiments collectifs et 55% pour les maisons individuelles, preuve à l’appui par un audit énergétique à la clôture du chantier. À partir de juillet 2022, cette aide sera cumulable avec la prime énergie, qui elle reste disponible pour tous les ménages.

À cela peut s’ajouter le bonus « sortie de passoire thermique » de 1.500€ si l’étiquette énergétique passe de F à G ou E, ou le bonus BBC de 1.500€ si l’étiquette énergétique après travaux est de A ou B.

Pour éviter les fraudes, l’État met la pression sur le contrôle des chantiers, qui seront à la fois plus nombreux et plus diversifiés. PrimesEnergie.fr contrôle déjà toutes les opérations, c’est donc à notre sens une étape supplémentaire indispensable qui va dans le sens de l’histoire pour « nettoyer le marché ».

Une mobilisation de tous les acteurs pour enrayer les passoires thermiques

La transition énergétique est en marche : la croissance des demandes que nous recevons quotidiennement témoigne du mouvement de rénovation enclenché par les Français, porté par des montants d’aides jusqu’ici attractifs. Si plus de 6 particuliers sur 10 estiment que seule la contrainte législative est efficace pour véritablement changer les comportements, les échéances qui approchent devraient pousser les Français encore hésitants à entreprendre des travaux. Mais le reste à charge qui va grimper risque fort d’être un frein de taille, dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat.

Il est primordial de poursuivre l’accompagnement financier de tous les ménages, modestes ou non, pour atteindre nos objectifs. Les travaux à 1 euro ne sont pas la solution, les fraudes massives de ces dernières années l’ont démontré. Mais tout en valorisant les chantiers de qualité et les artisans de confiance, il faut absolument parvenir à faire baisser le reste à charge des ménages pour faciliter la réalisation des travaux, et pour que la rénovation énergétique des logements devienne une évidence aussi bien pour le porte-monnaie que pour la planète.

©2022-2024
L'Argent & Vous
Nicolas Moulin

Le parcours de Nicolas Moulin

Fondateur, PrimesEnergie.fr

Diplômé de l’ESSEC, Nicolas Moulin a commencé sa carrière chez BNP Paribas en 2005 dans la branche Leveraged Acquisition Finance Media & Telecom. Porté par la conviction qu’il est aujourd’hui nécessaire de réaliser des travaux d’économies d’énergie pour rendre les bâtiments plus respectueux de l’environnement, Nicolas Moulin crée en 2010 Vos Travaux Eco. L’entreprise accompagne les particuliers, entreprises et collectivités sur le chemin de l'efficacité énergétique. Via son site dédié PrimesEnergie.fr, l'entreprise compte parmi les principaux acteurs du secteur et a reversé 250 millions d’euros de primes énergie en 2020, distribuées à plus de 200.000 foyers.

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