Mal-logement : après un quinquennat "sans volonté politique", la Fondation Abbé Pierre appelle les pouvoirs publics à passer à la caisse

Mal-logement : après un quinquennat "sans volonté politique", la Fondation Abbé Pierre appelle les pouvoirs publics à passer à la caisse
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Les cinq années de présidence de la République d’Emmanuel Macron laissent un bilan critique de la lutte contre le mal logement et la crise immobilière, dénonce l’ONG, qui milite pour une reprise forte des investissements publics en la matière.

Mal-logement : après un quinquennat "sans volonté politique", la Fondation Abbé Pierre appelle les pouvoirs publics à passer à la caisse
Crédit photo © Reuters

Le 27e rapport annuel sur l’état du mal-logement en France de la Fondation Abbé Pierre, paru ce mardi 27 janvier dresse un constat sévère de l’action du quinquennat d’Emmanuel Macron au regard des politiques de lutte contre le mal-logement et la pauvreté.

Jugée bien en deçà des promesses énoncées en début de mandat, aux choix budgétaires et fiscaux profondément inégalitaires, l’action politique du président de la République depuis 2017 est loin d’avoir tenu ses promesses relatives à la création d’un « choc de l’offre » immobilière et du plan "Logement d’abord", qui devait éradiquer le "sans-abrisme".

Des réformes qui ont appauvri les plus mal lotis

Le logement aura au contraire été le parent pauvre du quinquennat d’Emmanuel Macron, considère la Fondation. En cause, un manque de volonté politique qui a insuffisamment mobilisé les finances publiques en sa faveur (les aides au logement sont passées de 1,82 % du PIB en 2017 à 1,63 % en 2020), là où les réformes structurelles, fiscales et budgétaires (APL, assurance chômage, suppression de la taxe d’habitation, flat tax, baisses de ressources inédites subies par les bailleurs sociaux…) ont in fine amélioré le niveau de vie de tous les Français, sauf les 5% les plus pauvres, qui ont perdu jusqu’à 0,5% de pouvoir d’achat, selon une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP).

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Avec l’arrivée de la crise sanitaire, les actions de l’exécutif (comme la prolongation des trêves hivernales, les mesures de soutien exceptionnelles aux ménages) ont permis de parer une augmentation massive des impayés et des expulsions, reconnaît la Fondation, mais le secteur de l’hébergement s’est retrouvé complètement engorgé, entre des demandes toujours en hausse et une offre constamment en baisse.

D’autant que le fonctionnement des services publics a été mis à mal par les restrictions sanitaires et la réorganisation du travail à distance, entraînant des conséquences parfois dramatiques pour ses usagers, en particulier les populations immigrées (multiplication des ruptures de droit et des non-recours en raison des retards…).

Les efforts de la loi Climat et Résilience

Le rapport note toutefois quelques « évolutions notables », notamment dans le cadre de la loi Climat et Résilience (2021), citant entre autres l’opposabilité du DPE, l’interdiction progressive des passoires énergétiques, ou encore le gel des loyers et l’obligation d’audit énergétique pour ces biens énergivores lors de leur vente dès l’année prochaine.

L’évolution des dispositifs d’aide à la rénovation énergétique – avec le remplacement du CITE par MaPrimeRénov’ en 2020 – a par ailleurs permis d’accélérer le nombre de travaux enclenchés par les ménages, mais « en se limitant trop souvent à de simples gestes de rénovation […] au détriment de la performance à terme d’une rénovation globale », et en restant insuffisante pour conduire des travaux plus ambitieux.

Rénovation : la problématique du reste à charge

« Loin du 10 % de reste à charge affiché par le gouvernement, c’est en moyenne 39 % du montant des travaux qu’il reste à payer après mobilisation de toutes les aides pour les propriétaires très modestes et 56 % pour les ménages modestes, alors que les travaux peuvent facilement atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros », souligne le rapport.

Entre 2017 et 2021, dans un contexte de forte inflation des prix immobiliers, l’état du mal-logement dans le pays est loin de s’être amélioré : d’un côté, l’offre de logements sociaux disponibles s’est asséchée et leur construction n’a jamais été aussi basse depuis quinze ans (87.0000 agréments de HLM en 2020 vs. 124.000 en 2016) .

De l’autre, la demande pour ce type d’hébergements a progressé deux fois plus vite que le nombre de logements sociaux en sept ans, pour atteindre 2,2 millions de ménages.

Plus de 4 millions de personnes mal logées en France

Alors que 4,1 millions de personnes sont aujourd’hui mal logées en France, dont 300.000 sans domicile et 767.000 en situation précaire (hôtel, habitation de fortune, hébergement chez des tiers…), et que les besoins en logements neufs restent très importants (entre 400.000 et 500.000 par an pendant dix ans), le défi du logement « est à la fois quantitatif et qualitatif ».

Le thème du logement est pourtant peu présent dans les débats publics de la campagne présidentielle, regrette la Fondation, « alors qu’il est omniprésent dans le quotidien des Français et représente un déterminant sous-estimé en termes de santé publique, de pouvoir d’achat, de scolarité, d’emploi, d’inégalités ou tout simplement de qualité de vie ».

Relancer "Logement d'abord", une priorité pour l'ONG

Face à ce constat, l'organisation formule un ensemble de propositions pour « donner la priorité aux plus exclus du logement » et résorber une crise « multiforme, qui creuse les fractures sociales, générationnelles et territoriales ».

Elle préconise en premier lieu de relancer le programme "Logement d’abord ", en prolongeant le dispositif et en accroissant le financement des projets engagés pour éradiquer le sans-abrisme dans cinq à dix ans, selon la taille des agglomérations.

Est également proposé d’intégrer dans la loi de finances 2023 un objectif de production de logements « vraiment sociaux » (excluant les logements intermédiaires) de 150.000 par an, avec un meilleur soutien financier des élus locaux et des établissements publics fonciers.

Etendre l'encadrement des loyers

Du côté du marché immobilier "commun", le rapport milite pour une généralisation de l’encadrement des loyers dans l’ensemble des zones tendues, un renforcement de la garantie des loyers Visale en vue d’obtenir, à terme une véritable "Garantie universelle des loyers" accessible à tous, ainsi que la généralisation du Bail réel solidaire, qui permet à des organismes fonciers de conserver la propriété des terrains et de les louer à très long terme à des ménages propriétaires du bâti à des prix très inférieurs au marché.

En matière de rénovation énergétique, la nécessité d’éradiquer les logements les plus énergivores d’ici à dix ans doit passer par un effort financier conséquent, en doublant les aides publiques actuelles et en les orientant en priorité en faveur des rénovations globales, ainsi qu'en développant des dispositifs financiers pour mieux financer le reste à charge des travaux ainsi que l’accompagnement public des ménages.

Obligation de rénovation performante

« La mise en œuvre de ces propositions permettrait de rendre possible et acceptable l’instauration d’une obligation de rénovation performante, estime la Fondation. Cette obligation pourrait commencer à s’appliquer aux passoires thermiques, lors des mutations en maison individuelle, et lors des ravalements en copropriété. À ce jour, des obligations de rénover ne sont prévues que pour les logements locatifs. »

En attendant l’amélioration du parc de logements français, la Fondation appelle à doubler le montant du chèque énergie, à élargir le nombre de ses bénéficiaires, et à interdire les coupures d’électricité pour impayés dans les résidences principales, quelle que soit la période de l’année.

La création d’une "agence nationale des travaux d’office" pour résorber l’habitat indigne permettrait par ailleurs d’agir en soutien des collectivités face aux propriétaires récalcitrants à remettre leurs logements loués en l’état, ou défaillant financièrement.

Redistribution des richesses : augmenter les minimas sociaux et l'impôt sur les plus-values immobilières

Enfin, au-delà de politiques dédiées, la lutte contre le mal-logement doit s’inscrire dans un cadre fiscal et budgétaire permettant une meilleure redistribution des richesses. Laquelle pourrait passer par deux piliers : celui d’une réforme des minimas sociaux, avec la création d’un revenu minimum garanti universel atteignant 900€ par mois, contre 565€ aujourd’hui pour le RSA, le doublement des APL et du chèque énergie.

Et celui d’une plus forte taxation des ménages aisés, via une augmentation du taux de prélèvement des plus-values immobilières, une "taxe Tobin de l’immobilier" ciblant les transactions de luxe, ou encore une plus forte taxation des droits de transmission…

Ramener l'effort public à 2% du PIB

Cet ensemble de propositions nécessitera une mobilisation financière à la hauteur des enjeux. « Une politique de production, de rénovation et d’accompagnement coûte cher. Les propositions formulées ici nécessitent donc un engagement budgétaire accru, comparable à ce que l’on a connu dans le passé », explique la Fondation, qui évalue les besoins d’un effort public autour de 2% du PIB, comme en 2010, représentant un budget supplémentaire d’environ 10 milliards d’euros par an.

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