L’investissement immobilier locatif a-t-il été vraiment résilient en 2020 ?

L’investissement immobilier locatif a-t-il été vraiment résilient en 2020 ?

Chez Century 21, la part des investisseurs dans les ventes de logements anciens a progressé l'année dernière grâce à un second semestre dynamique. Le constat est surprenant.

L’investissement immobilier locatif a-t-il été vraiment résilient en 2020 ?
Crédit photo © Reuters

Contre toute attente, la part des investisseurs dans les ventes de logements anciens aurait poursuivi son ascension en 2020. Du moins si l’on s’en tient aux données de Century 21 communiquées en début de semaine : au sein du réseau d'agences immobilières, le ratio des transactions dédiées à l’investissement a atteint un record "historique" de 29,4% sur les douze derniers mois.

Alors que la crise du coronavirus avait jeté un froid sur l’investissement locatif au 1er semestre – les bailleurs ont fait leur retour lors de la seconde partie de l’année, note Century 21. Au final, leur part enregistre une progression de 2,2 points en 2020 par rapport à 2019 (27,2%), une base de comparaison pourtant défavorable puisque l’investissement immobilier avait bondi de près de dix points depuis 2017.

Près d’une vente sur trois à Paris destinée à la location

D’après le réseau immobilier, les achats à des fins d’investissement ont atteint un record à 31,1 % à Paris, et ont représenté près de 24 % des transactions en Ile-de-France, région où les biens entre 50.000€ et 100.000€ ont eu particulièrement la cote.

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Stables dans le Val-de-Marne (22,3% des transactions), ces achats ont notoirement progressé en Seine-Saint-Denis (27% des ventes), dans les Hauts-de-Seine (23,5% des ventes) et dans les Yvelines, mais légèrement baissé en Seine-et-Marne (24,9% des transactions) et dans l’Essonne (24,7%).

Avec la crise du coronavirus, l’extrême volatilité des marchés financiers, un environnement de taux bas et la montée des incertitudes sur leur avenir, les Français qui pouvaient se le permettre auraient donc réorienté une partie de leur épargne sur la pierre, placement sûr et tangible « redevenue la valeur absolue » des investissements, explique Laurent Vimont, président de Century 21.

Manque de données

Des quelques autres réseaux d’agences contactés ayant récemment publié leurs chiffres 2020, aucun n’a été en mesure de communiquer à L'Argent & Vous ce ratio d’investisseurs faute de données consolidées.

On notera toutefois que celui constaté par Century 21 relevé en 2019 et 2020 s’est avéré nettement supérieur à la moyenne "observée" par la plupart des autres professionnels du secteur qui évoquent plutôt un chiffre tournant aux alentours de 20 % pour le marché de l’ancien.

La Fédération nationale de l’Immobilier (Fnaim), qui représente quelque 40% des professionnels et salariés du secteur en France, ne communique pas non plus la part des investisseurs dans son bilan de marché annuel, mais considère que le chiffre le plus fiable sur lequel s’appuyer est celui de la part de l’investissement locatif dans la production de crédit. « Cette part était de 15,5% en 2019. Il s’agit de la part de l’investissement dans le crédit et non dans les ventes », souligne la Fédération, « mais la part dans les ventes ne doit pas être très éloignée ».

Les chiffres de Century 21 ne pesant que pour une petite partie des ventes de logements du territoire français – la manifeste surreprésentation des investisseurs au sein de sa clientèle peut aisément s’expliquer par un biais statistique (en volume comme en valeur), sans doute accentué par une présence plus forte des agences du réseau dans les zones tendues où la demande d’investissement est plus dynamique, explique l’une de nos sources.

Des conditions d’octroi de crédit peu clémentes

La tendance annuelle observée par Century 21 reste quand même surprenante dans un contexte de marché où les conditions d’octroi des crédits immobiliers se sont durcies après les recommandations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) formulées en décembre 2019. Celles-ci ont particulièrement touché les profils investisseurs, en exigeant davantage d’apport, un taux d’endettement plus limité et en imposant des durées d’emprunts plus courtes que l’an passé.

D’après l’Association française de l’immobilier locatif (Afil), le nombre de refus bancaires pour les projets "investisseurs" constaté par ses adhérents aurait été multiplié par cinq, passant de 5% à 25% des dossiers traités refusés en 2020. Et 60% des demandes auraient été pénalisées par l’imposition d’un taux d’effort de 33% maximum.

Calcul d'endettement

« Ce qui a surtout pénalisé les investisseurs, c’est l’abandon de la méthode de calcul de l’endettement ‘par différentiel’ au profit de la méthode ‘classique’ », explique Sandrine Allonier, directrice de la communication de Vousfinancer.

Avec la méthode "différentielle", les banques déduisaient directement de la mensualité du crédit les futurs revenus fonciers (à 70%), un calcul très avantageux pour l’emprunteur, là où la méthode "classique" intègre les loyers au niveau des revenus.

Pour un emprunt de 1.000€ sur 25 ans, avec 2.000€ par mois de revenus et 800€ de futurs revenus fonciers issus de la location, le calcul "différentiel" arrive à un taux d’endettement de 22 % alors que le "classique" grimpe à… 39 %, soit bien au-delà du seuil maximal autorisé par les établissements bancaires en 2020.

Conséquence : chez les "grands" courtiers immobiliers, la désaffection des profils "investisseurs" s’est logiquement fait ressentir. Cette catégorie d’emprunteurs, qui représentait un quart de la clientèle de Vousfinancer en 2019, est tombée à 15% en 2020. Chez Meilleurtaux, elle a aussi décroché, passant de 15% en 2019 à 12,5% l’année dernière.

Chute en avril

Tous crédits accordés confondus, la part de l’investissement locatif dans la production de crédit à l’habitat relevée mensuellement par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a connu un trou d’air au plus fort du confinement, en avril, passée de 14,8% des demandes en février à 10,4% en avril (médiane) avec un bon rattrapage entre mai et septembre.

Sur douze mois glissants, entre fin septembre 2019 et fin septembre 2020 (les dernières données disponibles), la médiane de cette part ressort à un peu moins de 14,3% (contre 15,5% en 2019). Sans accélération notoire au dernier trimestre, l’immobilier d’investissement dans les demandes de crédit devrait donc avoir baissé en 2020, même si la casse apparaît limitée vu le contexte économique et sanitaire.

Pour Laurent Vimont, les données plus récentes dont dispose le réseau d’agences expliqueraient une partie du décalage entre la tendance observée par l’ACPR et celle de Century 21.

Face à une reprise incertaine, les établissements bancaires devraient encore se montrer très vigilants sur les dossiers de crédit dans les mois à venir. Pour autant, le récent assouplissement des recommandations du HCSF devrait faciliter le retour d’une partie des investisseurs sur le marché immobilier en 2021…

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