Le logement neuf pourrait traverser une crise historique sans un bouclier spécifique

Le logement neuf pourrait traverser une crise historique sans un bouclier spécifique
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« Il en va de la satisfaction des besoins en logements abordables, qui ne cessent de croître, et de la sauvegarde d’une part importante des emplois de la filière », alerte le Président du Pôle Habitat de la FFB, Grégory Monod.

Le logement neuf pourrait traverser une crise historique sans un bouclier spécifique
Crédit photo © Groupe Pelletier

Redoutée depuis de longs mois, la crise du logement neuf est désormais bien installée. Les avertissements déjà lancés depuis un an par les professionnels se confirment dans le très mauvais bilan annuel des ventes de logements neufs qui se détériore encore depuis l’automne 2022.

Effondrement des ventes au cours des derniers mois

Le marché de la maison neuve en secteur diffus a ainsi connu l’an dernier une chute vertigineuse des ventes de 31% à 96.000 unités, ce qui constitue le pire exercice de ces 16 dernières années. « Une dégradation jamais observée auparavant chez les constructeurs, même suite à la crise des subprimes de 2008 », ont souligné ce matin les représentants du Pôle Habitat de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) lors d’une conférence de presse. D’autant que l’effondrement des ventes s’accélère toujours avec -38% sur les trois derniers mois de 2022. « Pour 2023, rien ne permet d’escompter mieux qu’une stabilisation des ventes », prévient le Pôle Habitat de la FFB.

L’habitat individuel groupé ne se porte guère mieux (-22%) et le logement collectif a vu ses mises en ventes auprès des particuliers reculer de 14% en 2022 avec un inquiétant -30% au quatrième trimestre. Même les ventes en bloc aux institutionnels ont baissé de 21%.

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L’addition est chargée

Difficultés d’accès au crédit immobilier couplées à la forte remontée des taux d’emprunt, inflation et incertitudes sur le pouvoir d’achat, augmentation continue des prix des terrains (notamment sous les premiers effets du principe de Zéro Artificialisation Nette), et surtout flambée vertigineuse des coûts de construction provoquée par l’entrée en vigueur de la nouvelle norme de construction RE2020 et par l’explosion des tarifs des matériaux, le logement neuf est assommé par les difficultés et s’enfonce dans une crise profonde et sévère. Il est surtout devenu trop cher pour une part croissante des primo-accédants et ménages modestes puisque les constructeurs n’ont d’autres choix que de répercuter cette inflation à tous les étages sur leurs prix de vente. En conséquence, de plus en plus d’acquéreurs ne parviennent pas à suivre alors qu’ils doivent déjà composer avec des emprunts beaucoup plus onéreux (flambée des taux) et des banques qui réclament davantage d’apport personnel ou même d’épargne résiduelle.

« Tout cela était auparavant masqué par la période de taux anormalement bas mais aujourd’hui on arrive à un effet de ciseau assez dramatique qui a d’abord eu un impact sur les marges des constructeurs et maintenant sur leur niveau d’activité », constate Grégory Monod, Président du Pôle Habitat de la FFB. Sur le terrain, les annulations de projets de maisons se multiplient en effet et nombreux sont les promoteurs à différer le lancement de nouveaux programmes de logements collectifs pour lesquels ils ont obtenu un permis.

Les banques appelées à la rescousse

Grégory Monod exhorte les pouvoirs publics à apporter des réponses urgentes avant que cette crise ne se propage au détriment de l’appareil de production : « Il en va de la satisfaction des besoins en logements abordables, qui ne cessent de croître, et de la sauvegarde d’une part importante des emplois de la filière ». Face à la gravité de la situation, le Pôle Habitat FFB appelle aussi les établissements de crédit à se remobiliser autour de la production de prêts immobiliers pour les particuliers, et appelle industriels et distributeurs de la construction à plus de transparence et de tempérance dans l’évolution des prix des matériaux.

Bouclier logement

Les professionnels appellent surtout le Gouvernement à instaurer un « bouclier logement » qui pourrait être voté dans une loi de finances rectificative pour soutenir le pouvoir d’achat immobilier des ménages. Il s’agirait en priorité de confirmer une prolongation du prêt à taux zéro après 2023 (sous peine de voir les banques arrêter de le distribuer dès le début du quatrième trimestre 2023) et de renforcer ce dispositif incontournable pour les primo-accédants aux revenus modestes qui ne peuvent plus se financer avec des taux d’emprunt qui vont rapidement dépasser 3%. Comment ? En rétablissant sa quotité à 40% sans discrimination territoriale et en rehaussant de 25% les plafonds d’opérations pris en compte pour son calcul pour suivre la hausse des prix des dernières années.

Le Pôle Habitat FFB appelle aussi à revenir sur l’évolution du dispositif fiscal d’investissement locatif Pinel, à l’heure où vont cohabiter en 2023 et 2024 un Pinel+ plus coûteux et exigeant avec un Pinel classique handicapé par une diminution des réductions d’impôt. L’idée serait de rétablir le Pinel dans sa version de 2022 jusqu’à la mise en place du statut du bailleur privé que le gouvernement étudie pour 2025 après la fin du Pinel. Ce régime consisterait principalement à pouvoir appliquer chaque année un amortissement sur la valeur du bien (par exemple 2% par an) afin de réduire ses revenus fonciers et donc son imposition. En attendant, on peut déjà craindre un échec du Pinel+ dont les exigences techniques (le jalon 2025 de la RE2020) sont certainement trop ambitieuses. L'offre en Pinel+ est d'ailleurs quasiment inexistante à ce jour et peu de projets semblent envisagés par les promoteurs.

Arbitrages budgétaires

Comme toujours, un tel bouclier logement passerait par de stricts arbitrages budgétaires. Bercy ne manquera pas de rappeler que le PTZ devrait déjà coûter environ 1,4 milliard d’euros cette année, soit un peu plus de 20.000 € par prêt accordé. Oui mais c’est oublier les multiples recettes induites par chaque logement neuf : « c’est déjà au moins 40.000 € de TVA en moyenne », répond Grégory Monod. Sans oublier la taxe d’aménagement, la future taxe foncière à acquitter et les impôts versés par des entreprises de construction en bonne forme...

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