Interdiction de location des passoires énergétiques : comment cela va-t-il se passer concrètement ?

Interdiction de location des passoires énergétiques : comment cela va-t-il se passer concrètement ?
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Voici toutes les réponses aux questions pratiques des locataires et propriétaires…

Interdiction de location des passoires énergétiques : comment cela va-t-il se passer concrètement ?
Crédit photo © Reuters

On a jusqu’ici beaucoup parlé des échéances entourant la rénovation des logements et des interdictions de location qui vont progressivement concerner les passoires énergétiques, c’est-à-dire les maisons et appartements affichant les plus mauvaises notes du diagnostic de performance énergétique (DPE). Mais concrètement, locataires et propriétaires peuvent se poser une série de questions sur les modalités pratiques de la mise en œuvre de ces contraintes et de la réalisation des travaux de rénovation. On peut aussi s’interroger sur la validité du DPE et sur les marges de manœuvre des locataires face à des propriétaires indélicats qui rechigneraient à engager ces travaux…

Validité du DPE : pas toujours facile de s'y retrouver

Les obligations de rénovation s’appuient tout d’abord sur une évaluation des biens telle qu’elle résulte des calculs du DPE nouvelle formule, en vigueur depuis le 1er juillet 2021 et globalement plus sévère que les anciennes méthodes d’évaluation. La durée de validité des DPE est donc primordiale et une période transitoire a été prévue durant laquelle les anciens DPE réalisés entre le 1er janvier 2013 et le 1er juillet 2021 restent actuellement valables.

Les DPE effectués entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017 ne sont ainsi valides que jusqu'au 31 décembre 2022 mais ceux réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 seront valides jusqu'au 31 décembre 2024.

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Les notaires dénoncent d’ailleurs le fait que ces dispositions transitoires n’apparaissent pas pertinentes ni même cohérentes avec les calendriers retenus pour la rénovation énergétique des logements les moins performants. « Ce corpus législatif et réglementaire est, dès lors, peu compatible avec le fait qu’il est réglementairement possible de continuer à annexer aux avant contrats et aux actes de ventes des DPE anciens et ce jusqu’au 31 décembre 2024 », note le Conseil supérieur du notariat dans un livret de 15 propositions de simplification du droit. Les notaires proposent ainsi que tous les diagnostics réalisés avant le 30 juin 2021 ne soient valides que jusqu'au 31 décembre 2022…

Dans quels cas doit-ont présenter un nouveau DPE ?

Il convient de souligner qu’un propriétaire n’est tenu de renouveler son DPE que dans deux cas de figure : la vente du logement ou un nouveau contrat de location. Un troisième cas pose cependant beaucoup d’interrogations : celui du renouvellement de bail de location par tacite reconduction (tous les 3 ans dans le cas d’une location non meublée). En théorie, il n’y a pas d’obligation légale de renouveler son DPE dans cette situation car le bail en cours se poursuit sans qu’aucun nouveau contrat ne soit signé. Confrontée à la réalité du terrain dans l’attente d’une jurisprudence qui ne manquera pas de venir, la Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM) recommande toutefois de faire rééditer un nouveau DPE pour présenter un classement incontestable et éviter tout contentieux avec un locataire qui contesterait une absence de DPE ou le classement du DPE ancien en lui opposant son propre DPE.

Un locataire d’un logement classé E selon un ancien DPE aurait par exemple tout intérêt à présenter un nouveau DPE qui a des chances d’être déclassé en F car le propriétaire ne pourrait alors plus augmenter le loyer. Depuis le 24 août dernier, le gel des loyers s’applique en effet à toutes les passoires énergétiques, c’est à dire les logements classés F ou G.

Changement de locataire

Dans un autre cas de figure, certains propriétaires avec un ancien DPE de classe F risquent de basculer dans la classe G lors du renouvellement du diagnostic en 2025. Or les logements G seront interdits à la location à partir de 2025. Dans ce scénario, si le propriétaire fait réaliser un nouveau DPE à l’occasion d’un changement de locataire, il devra rénover son logement avant l’entrée du nouvel occupant. Ce propriétaire a donc intérêt à anticiper la réalisation du DPE pour programmer les travaux.

Pour autant, cette interdiction de location ne concernera pas les locataires en place car elle ne sera applicable que pour les nouveaux contrats de location conclus à partir du 1er janvier 2025. Les renouvellements de bail par tacite reconduction ne sont pas non plus concernés car il n’y a pas de nouveau contrat de location. Les mêmes règles s’appliqueront pour la première interdiction de location concernant dès janvier 2023 les logements G les plus énergivores dont la consommation énergétique dépasse 450kwh/m², puis pour les logements de la lettre F à partir de 2028.

Pas d’obligations pour les locataires en place

Comme le souligne Romain Villain, directeur des études de la plateforme de rénovation énergétique Heero, « il n’y a donc, pour le moment, pas de véritables obligations pour les locations en cours, mais plutôt des mécanismes et contraintes destinés à encourager les propriétaires bailleurs à faire les travaux, notamment le fait qu’ils ne peuvent plus augmenter le loyer d’un logement F ou G depuis le 24 août ».

Participation du locataire aux frais des travaux

En dehors des aides publiques à la rénovation comme MaPrimeRénov’ et de la "prime énergie" basée sur le dispositif européen des certificats d’économies d’énergie (CEE), Romain Villain ajoute que le propriétaire a la possibilité de demander au locataire une participation aux frais des travaux de rénovation énergétique, une fois le chantier terminé, dès lors que cette rénovation profite directement au locataire en diminuant ses factures d’énergie. Cette participation peut être échelonnée sur 15 ans maximum et ne pourra pas excéder la moitié des économies d’énergies dont va bénéficier le locataire sur la base d’une estimation fournie par un audit énergétique. Pour une économie de chauffage de 60 € par mois, le locataire en place pourra par exemple participer à hauteur de 30 € mensuels pendant 15 ans au maximum. Dans tous les cas, il doit y avoir une concertation préalable entre le bailleur et le locataire.

Travaux avec un locataire en place

Dans le cas où un propriétaire déciderait de lancer les travaux dans un logement occupé par un locataire, il devra le prévenir à l’avance en lui transmettant divers éléments comme le programme des travaux, leur durée et les bénéfices attendus. Le locataire peut d’ailleurs réclamer une indemnisation si les travaux durent plus de 21 jours. En absence d’un audit énergétique, le propriétaire devra par ailleurs présenter à l’issue des travaux un nouveau DPE attestant de la bonne classe.

Propriétaires dans l’illégalité

Enfin, dans le cas où un propriétaire proposerait quand même à la location un logement dégradé non rénové devenu interdit à la location, c’est au locataire de prendre les devants. « Pour tout litige, les textes réglementaires indiquent que le locataire doit dans un premier temps notifier le bailleur. En l’absence de réponse sous un délai de 2 mois, le locataire pourra solliciter la commission départementale de conciliation qui traitera le dossier et qui pourra remonter le dossier à une autre juridiction si besoin », explique le directeur des études de la plateforme Heero qui accompagne les propriétaires et bailleurs dans leur projet de rénovation avec les solutions de financement adaptées à leur situation.

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