Crédit immobilier : la Haute autorité de stabilité financière met les points sur les "i"

Crédit immobilier : la Haute autorité de stabilité financière met les points sur les "i"

Formulées en décembre, les nouvelles recommandations du HCSF sur les conditions d'octroi des crédits immobiliers sont parues hier. Elles réservent leur lot de surprises pour les banques et les emprunteurs. Revue de détails.

Crédit immobilier : la Haute autorité de stabilité financière met les points sur les "i"
Crédit photo © Boursier.com

Formulées en séance sous l’égide du ministre de l’Economie il y a un mois, les dernières recommandations du Haut Conseil à la Stabilité Financière (HCSF) sur les conditions d’octroi des crédits immobiliers viennent d’être posées noir sur blanc dans une documentation parue le 28 janvier sur son site Internet.

Comme annoncé en décembre, le HCSF vient confirmer qu’il donne un peu de souffle aux Français pour l’obtention de leurs crédits immobiliers. Il en profite pour apporter quelques précisions pas forcément profitables pour les emprunteurs et qui hérisseront sans doute des établissements bancaires.

Un taux d’endettement assoupli

Alors qu’en décembre 2019, le HCSF avait demandé aux banques de resserrer leurs conditions d’emprunt en recommandant un taux d’endettement des ménages ne dépassant pas 33% de leurs revenus nets, l’organisme a dû finalement lâcher du lest un an plus tard.

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Avec la crise sanitaire, ce dernier s’est résolu à revenir sur ses exigences en décembre 2020 : autorisant à nouveau que le taux d’effort des emprunteurs puisse atteindre 35%, la haute autorité a par ailleurs permis d’allonger de deux ans la durée maximale des crédits immobiliers pour les achats dans le neuf (soit 27 ans) en incitant les banques à prendre en compte 24 mois de différé d’amortissement pour ces crédits.

Le HCSF a aussi accordé plus de latitude aux établissements souhaitant déroger aux limites recommandées, en admettant qu’ils s’en écartent pour 20% des crédits accordés par trimestre, contre 15% précédemment.

Couplé à une conjoncture moribonde, le resserrement des conditions d’obtention d’emprunt immobilier avait exclu en 2020 une partie des candidats à l’accession à la propriété – essentiellement les ménages les plus modestes – mais également les "petits" investisseurs immobiliers, deux franges de la population que Bercy entend préserver à l’aune d’une année pour le moins délicate, balancée entre l’urgence d’un plan de relance national et l’horizon d’une nouvelle campagne présidentielle.

Gains potentiels

La modulation de 2% du taux d’endettement des ménages peut apparaître anecdotique, mais sur des emprunts de plusieurs dizaines ou centaines de milliers d’euros, son assouplissement fait la différence : en repassant à 35%, ce taux devrait permettre de resolvabiliser une partie des candidats "modestes" à l’accession et d’accroître les capacités d’emprunt des profils déjà éligibles : d’après nos calculs, par exemple, sur la base d’un crédit de 25 ans à un taux d’intérêt d’1,45%, une personne touchant 2.500€ de revenus mensuels devrait en moyenne disposer d’une capacité d’achat supplémentaire de 12.500€.

Peu de changement chez les banques en janvier

Seulement voilà, depuis l’intervention du HCSF en décembre, il semble que peu de banques aient été disposées à suivre ses recommandations en ré-assouplissant leurs conditions d’octroi. Comme l’expliquait récemment la directrice des études et porte-parole de Vousfinancer, Sandrine Allonier, le contexte de crise n’a pas du tout incité les établissements à les alléger depuis le début de l'année.

Le courtier constatait ce mois-ci que « toutes les banques n’ont pas encore modifié leur taux d’endettement maximal... et dans le cas d’emprunteurs avec de faibles revenus, les banques demandent davantage de garanties. »

Des recommandations bientôt contraignantes

"Officiellement" formulées hier dans un communiqué comme c’est l’usage - les recommandations de décembre du HCSF sont toutefois accompagnées de précisions qui viennent un peu sonner comme une piqure de rappel auprès des établissements qui n’auraient pas encore pris la peine de respecter ses vœux.

D’autant que la Haute autorité a confirmé que ces instructions devraient être juridiquement contraignantes pour les établissements bancaires d’ici à l’été prochain. Aucun doute que la perspective d’un cadre législatif sur les conditions d’octroi de crédit devrait faire grincer des dents tout un pan de la profession, mais elle pourrait aussi peser sur les emprunteurs. Ces règles absolues gravées dans le marbre devraient malheureusement avoir un effet pervers, s'alarme Maël Bernier, directrice de la communication de MeilleurTaux, car elles devraient exclure légalement tous ceux qui ne peuvent pas rentrer dans ces exigences en limitant la possibilité aux banques de traiter les dossiers au cas par cas."

Extension de crédit

Concernant les conditions d’extension de la durée du crédit de deux ans pour les achats dans le neuf (soit 25 +2 ans), le HCSF précise qu’elles sont possibles pour les crédits destinés à l’acquisition de logements neufs et pour ceux liés à l’achat d’un logement ancien donnant lieu à des travaux représentant au moins 25% du coût total de l’opération.

Le HCSF précise la nature de ces travaux qui peuvent être « notamment la création de surfaces habitables nouvelles ou annexes, la modernisation, l’assainissement ou l’aménagement de surfaces habitables ou annexes », ainsi que « la réalisation de travaux de rénovation énergétique ».

Dérogations

Comme prévu, la partie de la production de crédits qui pourra déroger aux limites recommandées passe de 15% à 20%, des limites qui étaient toutefois loin d'être respectées par les banques en pratique l'année dernière, remarque Maël Bernier. Nouveauté toutefois, cette flexibilité devra être réservée pour 80% aux acquéreurs de leur résidence (et non aux investisseurs), et au moins 30% devra bénéficier aux primo-accédants. Le HCSF supprime en parallèle la limite d’un endettement maximal de sept années de revenus pour les crédits octroyés dans le cadre de cette marge de flexibilité, assurant aux banques davantage de liberté dans la gestion de ces profils "hors recommandation".

Charges annuelles d’emprunt : l’assurance emprunteur doit être incluse

Afin d’harmoniser les pratiques bancaires concernant le calcul du taux d’effort, le HSCF vient toutefois apporter un léger coup de vis aux emprunteurs, en recommandant aux banques d’inclure systématiquement le coût de l’assurance emprunteur dans les charges annuelles d’emprunt.

Certaines excluaient en effet ce coût dans le calcul des charges : car dans un contexte de taux d’intérêt très bas (1,45% en moyenne en janvier), l’assurance emprunteur (jusqu’à 1,51% selon les profils d'après des données Réassurez-moi) peut facilement doubler le "coût" du crédit immobilier et "fausser" le reste à vivre des demandeurs de crédits. Cette recommandation a le mérite d’imposer une méthode de calcul plus rigoureuse du taux d’effort des particuliers, mais aussi plus égalitaire puisqu’elle est censée s’appliquer à tous les établissements.

Prudence sur les revenus fonciers

Enfin, bien au fait des risques locatifs susceptibles de peser cette année sur les bailleurs, le HCSF appelle les banques à la prudence dans la prise en compte des revenus fonciers pour le calcul des revenus annuels : leur prise en compte doit faire l’objet « de décotes prudentes par les établissements de crédit et doit s’entendre au sens des revenus annuels maximum pouvant être pris en considération pour l’application de la Recommandation ». De la même manière, la prise en compte des loyers futurs tirés de la location « devra toutefois faire preuve de prudence et [faire] l’objet de décotes prudentes afin de refléter le risque locatif », demande l’organisme.

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