Comment éviter que le logement ne devienne la bombe sociale de demain ?

Comment éviter que le logement ne devienne la bombe sociale de demain ?
  • 1

Les dirigeants de la Fédération Nationale du Bâtiment (FFB) et du Pôle Habitat de la FFB travaillent avec le gouvernement sur le projet de "statut du bailleur privé" et espèrent une poursuite du PTZ.

Comment éviter que le logement ne devienne la bombe sociale de demain ?
Crédit photo © Brunel Entreprise

Réunis à Malte du 24 au 27 novembre pour un séminaire dédié aux innovations techniques de leurs adhérents et partenaires industriels, les dirigeants de la Fédération Nationale du Bâtiment (FFB) et du Pôle Habitat de la FFB ont rappelé leurs inquiétudes face à la forte baisse des ventes de logements neufs en France et aux difficultés croissantes des constructeurs de maisons, promoteurs, aménageurs ou acteurs de la rénovation dont l’environnement inflationniste compromet leurs projets ou déséquilibre leurs marges et souvent leur trésorerie. L’occasion aussi de dénoncer l’absence de prise en compte de leurs avertissements par le gouvernement qui se montre davantage préoccupé par les équilibres budgétaires de la nation et semble attendre une fois encore que la crise du logement soit à un stade avancé avant de réagir.

Les récents débats autour du projet de loi de finances 2023 ont ainsi montré que Bercy veut tourner la page à deux dispositifs d’aide à la construction de logements neufs jugés trop coûteux pour les finances publiques : le dispositif d'investissement locatif Pinel et le prêt à taux zéro (PTZ). Le discours est un peu plus nuancé au niveau du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires auquel est rattaché le logement. Auditionné par le Sénat le 8 novembre dernier, le ministre en charge du logement, Olivier Klein, a reconnu qu’il faut construire davantage de logements et retrouver un discours positif sur l’acte de construire. Celui qui se définit comme « le ministre du parcours résidentiel » a admis qu’il faut faire en sorte que « le logement ne soit pas la bombe sociale de demain ».

Statut du bailleur privé

Un discours qui réconforte le président de Fédération Française du Bâtiment, Olivier Salleron. « Les pouvoirs publics semblent enfin comprendre que nous risquons une crise majeure mais il n’est jamais trop tard », réagissait ce week-end Olivier Salleron à Malte en confirmant travailler avec le gouvernement sur le projet de "statut du bailleur privé" ou "régime universel d’investissement locatif privé". Ce mécanisme appelé à succéder au Pinel permettrait aux investisseurs particuliers d’amortir fiscalement leur logement et ainsi d’être moins imposé sur leurs revenus fonciers. « Nous avançons concrètement », confie Olivier Salleron. Des travaux avec plusieurs députés membres de la commission des finances doivent débuter dès janvier prochain pour préciser ce statut qui pourrait également concerner les logements anciens comme le réclame la FNAIM depuis longue date. Enfin, cette évolution qui devrait d'inscrire dans la durée bénéficie aussi d’une écoute attentive du Sénat.

A lire aussi...Comptage

PTZ en sursis

Pour le PTZ, l’avenir de ce dispositif incontournable pour les primo-accédants aux revenus modestes est beaucoup moins clair. Environ 75.000 ménages ont bénéficié d’un PTZ en 2021 mais c’est surtout depuis quelques mois et la forte remontée des taux d’emprunt que ce prêt sans intérêts offrant aussi un différé de remboursement devient déterminant pour accéder à un logement neuf. « Sa pertinence est renforcée en phase de remontée des taux », reconnaît Olivier Klein. « Le PLF le maintient jusqu’à fin 2023, nous devons travailler pour trouver la suite à partir de 2024 », déclarait-t-il début novembre lors de son audition au Sénat. Ce que craint le gouvernement, c’est une envolée du coût du PTZ qui représente environ 350 millions d’euros par an mais beaucoup plus demain avec la forte hausse des taux d’emprunt.

En attendant, le Sénat vient d’adopter un amendement relevant de 25% les plafonds d’opération pris en compte pour le calcul du montant du PTZ. Pas sûr que cet amendement subsiste dans le texte final du PLF car le ministre en charge des Comptes publics, Gabriel Attal n’y est pas favorable. « On ne souhaite pas modifier les paramètres du PTZ en faveur des primo-accédants avant que ne soit examinées les évolutions à apporter au dispositif pour en améliorer l’efficacité et l’efficience. Nous souhaitons que cette réflexion puisse s’inscrire dans un chantier ambitieux et concerté sur le logement, nous ne voulons donc pas ouvrir les débats sur le PTZ dans le cadre du PLF 2023 », a déclaré la semaine dernière Gabriel Attal au Palais du Luxembourg. Relever de 25% les enveloppes du PTZ ne ferait pourtant qu’actualiser ces barèmes qui n’ont pas évolué depuis 2014 pendant que les prix des logements neufs ont déjà augmenté d’autant entre 2014 et 2021.

Il n’y a donc quasiment aucune chance que la demande du Pôle Habitat de la FFB de rétablir une quotité de financement à 40% du PTZ sur l’ensemble du territoire (aujourd’hui on est qu’à 20% en zones B2 et C) ne soit prise en compte par le gouvernement à court terme. « Nous sommes en train d’exclure du logement neuf le bas de la pyramide que sont les jeunes primo-accédants », déplore le président du Pôle Habitat de la FFB, Grégory Monod. Pour Bercy, le PTZ coûte trop cher mais c’est oublier de compter les recettes induites par chaque logement neuf, rappelle Grégory Monod, en citant notamment une moyenne de 40.000 € de TVA par logement, soit bien plus que ce que peut coûter aux finances publiques un PTZ, même dans le scénario d’une poursuite de la remontée des taux.

Chute des ventes de logements neufs

Les avertissements déjà lancés depuis des mois par les professionnels se confirment dans les très mauvais chiffres d’activité du logement neuf qui se détériorent encore depuis l’automne. Le marché de la maison neuve en secteur diffus connaît une chute brutale, avec des ventes qui s’écroulent de presque 30% en glissement annuel sur les neufs premiers mois de 2022. Sur l’ensemble de 2022, les ventes de maisons pourraient descendre autour de 100.000 unités, un niveau très proche du pire exercice de ces 15 dernières années. L’habitat individuel groupé ne se porte guère mieux et le logement collectif voit ses mises en ventes reculer de plus de 10% sur la même période et même de près de 15% en ajoutant les ventes en bloc aux bailleurs sociaux.

Difficultés d’accès au crédit immobilier couplées à la forte remontée des taux d’emprunt, inflation et incertitudes sur le pouvoir d’achat, augmentation continue des prix du foncier (notamment sous les premiers effets du principe de Zéro Artificialisation Nette), et surtout flambée vertigineuse des coûts de construction provoquée par l’entrée en vigueur de la RE2020 et l’explosion des tarifs des matériaux, le logement neuf cumule les difficultés et semble donc se diriger vers une crise profonde et sévère.

Explosion des tarifs des matériaux

Pour illustrer l’impact de l’envolée des tarifs des matériaux, le Pôle Habitat de la FFB a mené une enquête auprès de ses adhérents constructeurs de maisons mettant en évidence une hausse d’environ 24% sur 18 mois. Les postes les plus significatifs sont par exemple la charpente et la couverture (tuiles) qui a pu flamber de plus 60% entre mars 2021 et juin 2022, le carrelage de 44% ou les menuiseries extérieures et les portes 33%. Et cela n’est pas fini car de nouvelles flambées sont déjà annoncées par les industriels pour 2023, en particulier pour tous les matériaux nécessitant beaucoup d’énergie pour être produits comme le ciment ou les briques.

A cela s’ajoute l’impact de la nouvelle réglementation RE2020 qui entraîne pour les maisons un surcoût moyen estimé autour de 7% (de 3% à 13% selon les configurations). Ces surcoûts réglementaires sont quand même jugés moindres pour les appartements neufs même s’il est encore difficile de les évaluer précisément. On comprend donc bien que les constructeurs ne peuvent pas encaisser de tels surcoûts sans augmenter leur prix. En conséquence, de plus en plus d’acquéreurs ne parviennent pas à suivre alors qu’ils doivent déjà composer avec des emprunts plus onéreux (hausse des taux) et des banques qui réclament davantage d’apport personnel ou même d’épargne résiduelle.

Les plus modestes restent sur la touche

Parmi les nombreux professionnels réunis cette année à Malte, beaucoup ont opéré une montée en gamme de leurs maisons ou résidences pour s’en sortir. Dans certaines régions privilégiées, le succès de la résidence secondaire auprès dune clientèle aisée permet d'amortir les chocs. D’autres ont préféré rationaliser leurs process de fabrication en recourant à des éléments préfabriqués en usine pour compresser les prix. Mais beaucoup se retrouvent contraints de mettre en sommeil des projets dont le coût dépasse le budget de leurs clients, en particulier des jeunes et des primo-accédants. Il reste bien la solution de revoir à la baisse la surface de sa maison, un phénomène déjà observé par le Pôle Habitat de la FFB (à hauteur de -4 m² de surface habitable pour les maisons sur les 6 premiers mois de 2022) ou de sacrifier du confort d’aménagement mais les annulations de projets se multiplient aussi…

L’autre grande difficulté pour ces professionnels est d’être très limité dans leur capacité à répercuter la hausse des coûts des matériaux entre le moment où le client réserve son logement et la date à laquelle il est livré. Pour une maison achetée dans le cadre d’un contrat de construction de maison individuelle (CCMI), le constructeur peut par exemple appliquer à l’ouverture du chantier une hausse de prix calculée par rapport à l’indice BT01 qui reflète l'évolution des coûts dans le secteur du bâtiment mais cela se révèle généralement très insuffisant. Enfin, ces indexations posent aussi des difficultés de prise en compte dans les plans de financement (appels de fonds) obtenus par les clients auprès de leur banque.

©2022-2024
L'Argent & Vous

Plus d'actualités Immobilier

Chargement en cours...

Toute l'actualité