Airbnb : la Cour de cassation donne raison à la Ville de Paris...

Airbnb : la Cour de cassation donne raison à la Ville de Paris...

... et tort à des centaines de bailleurs. La Haute Juridiction vient de confirmer la légalité des lourdes exigences que la capitale impose aux propriétaires de résidences secondaires pour louer leurs biens en courte durée.

Airbnb : la Cour de cassation donne raison à la Ville de Paris...
Crédit photo © Reuters

Coup de tonnerre pour les propriétaires de logements Airbnb à Paris. Dans une série d’arrêts rendus ce jeudi 18 février, la Cour de cassation vient de trancher un contentieux de plusieurs années sur les locations de courte durée : la Haute juridiction considère que les exigences imposées par la capitale française aux bailleurs de résidences secondaires sont légales et se justifient au nom de l’intérêt général de lutte contre la pénurie de logements observée localement.

La Cour de cassation a apporté en particulier trois éclairages essentiels sur le cadre juridique des locations touristiques :

La notion de location de « courte durée »

Cette notion désigne tout bail inférieur à un an, à l’exception des locations étudiantes (d’une durée de neuf mois) et des baux "mobilité" (d’une durée d’un à dix mois) ; ainsi, le fait de louer un bien, en l’espace d’un an, avec un premier bail de quatre mois, et un second de six mois, est considéré de la location de courte durée.

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L’autorisation préalable de louer sa résidence secondaire à Paris

Le régime d’autorisation préalable auxquels les propriétaires parisiens sont soumis pour pouvoir louer leur résidence secondaire en courte durée est conforme au droit européen ; la mesure se justifie « par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location » et elle est « proportionnée à l’objectif poursuivi », considère la Cour.

L’exigence de « compensation »

Enfin, et c’est sans doute la plus grande surprise de ces décisions, l’exigence de "compensation" mise en place par Paris – qui exige de ces bailleurs de transformer un local commercial en habitation pour compenser le changement de destination de leur résidence secondaire – est aussi légal. La mesure est considérée comme proportionnée et « apparaît adapté[e] à la situation tendue du marché locatif dans l’ensemble de la commune et à l’objectif de développer l’offre de locaux d’habitation dans certaines zones où l’habitat est plus particulièrement protégé, en favorisant la mixité sociale ».

La Cour de cassation considère même que le dispositif ne fait pas obstacle à l’exercice de cette activité « eu égard à la rentabilité accrue de ce type de location par rapport aux baux à usage d’habitation ».

Changement d’usage

L’affaire mérite un petit rappel du cadre légal de la location des meublés touristiques : en région parisienne ainsi que dans les villes de plus de 200.000 habitants, ces locations sont légalement réservées aux résidences principales et limitées à 120 jours par an. Celles des résidences secondaires restent possibles, mais elles sont très contraignantes : dans la capitale, les bailleurs doivent obtenir une autorisation préalable de la commune et transformer l’"usage" de leur logement en locaux commerciaux.

Le changement de destination est par ailleurs assorti d’une exigence de "compensation" : les propriétaires doivent en parallèle, dans le même quartier administratif que le bien loué, transformer un local commercial d’une surface équivalente (ou deux fois supérieure dans les arrondissements du centre et de l’ouest) en logement. Une démarche particulièrement rédhibitoire et onéreuse par laquelle la municipalité s’évertue à réguler depuis plusieurs années maintenant le marché de la location courte durée de la cité urbaine la plus visitée du monde.

Si ce sévère cadre juridique a clairement assaini les pratiques (l’offre Airbnb s’est stabilisée à environ 60.000 biens selon Ian Brossat, adjoint d’Anne Hidalgo en charge du logement), il n’a pas empêché certains propriétaires de s’en affranchir. En 2015, la ville de Paris a ainsi poursuivi en justice deux bailleurs ayant loué leur résidence secondaire via Airbnb sans requérir son autorisation.

Une autorisation conforme au droit européen

Ce sont ces derniers, condamnés en première et en deuxième instance à des amendes de 15.000€ et 25.000€, qui se sont pourvus en cassation.

Leur recours avait d’abord mené la Haute juridiction française à saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour savoir si la législation nationale était conforme au droit communautaire : la CJUE a considéré que soumettre à une autorisation la location de biens en courte durée était légal, mais qu’il appartenait à la justice française de se prononcer sur la légalité du mécanisme de compensation en fonction de la situation locale.

Ce que la Cour de cassation vient donc de faire en estimant que le dispositif mis en place à Paris était justifié et proportionné aux exigences de protection de l’habitat et de mixité sociale.

Une victoire pour la Mairie de Paris, qui, en dehors de ces deux propriétaires poursuivis en justice, avait initié un contentieux à l’encontre de quelque 400 propriétaires parisiens. Les procédures gelées devraient donc reprendre… avec à la clé, plusieurs millions d'euros de sanctions !

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