« Taux directeurs européens : Il est urgent d'attendre ! »

« Taux directeurs européens : Il est urgent d'attendre ! »

Tribune de Stéphane Faure, fondateur d'Astyrian Patrimoine.

« Taux directeurs européens : Il est urgent d'attendre ! »
Crédit photo © Astyrian Patrimoine

L'inflation sous-jacente sur un an, c’est-à-dire pour l’essentiel hors énergies et produits alimentaires, baisse aux Etats-Unis depuis le mois de septembre et est quasi stable en zone Euro depuis le mois d'octobre à un peu plus de 5%. Par ailleurs, analysée mois par mois et non sur un an (plus pertinent pour mesurer l’inflation du moment et pas celle passée), l'inflation baisse régulièrement aux Etats-Unis comme en zone Euro depuis le mois d'octobre.

En effet, malgré les hausses actuelles sur l’alimentaire ou encore sur les prix de l’énergie (suite à l’arrêt de certaines aides et à des hausses sur des tarifs règlementés au 1er janvier), les effets de base devraient être puissants dans les mois à venir au regard de la baisse des prix visible sur les marchés de l'énergie, des matières premières ou encore du fret par rapport aux pics du printemps et de l’été 2022. Ces prix de marché mettent toujours plusieurs mois à se répercuter dans l’économie réelle, à la hausse comme à la baisse. La décrue initiée depuis l’été 2022 devrait donc bientôt commencer à porter ses fruits.

Enfin, les salaires ont certes progressé mais moins que l’inflation et le niveau du chômage reste beaucoup plus élevé en Europe qu’aux Etats-Unis. En définitive, pas de surchauffe ni de boucle prix-salaires à l’heure actuelle. Notre conviction est que, sauf choc exogène, l'inflation européenne devrait continuer à baisser pour tendre lentement mais sûrement vers 3% ou 4%. Un niveau beaucoup plus soutenable (voire opportun) pour l’économie européenne.

La crise devrait être évitée en Europe

Sauf erreur de politique monétaire de la BCE et hors choc exogène, la crise majeure dont tous les journaux parlaient encore à l’automne devrait être évitée. L'Europe est en effet en train de sortir par le haut d'une crise énergétique que beaucoup annonçaient comme insurmontable. La clémence de l'hiver a certes aidé, mais l'essentiel est ailleurs. L'Europe a réussi à réduire ses besoins, à diversifier ses sources d’approvisionnements et lance actuellement une politique d'investissement massive dans sa production énergétique (notamment renouvelable et nucléaire) qui lui permettra demain (ou après-demain) d'être véritablement indépendante énergétiquement.

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Par ailleurs, la fin de la stratégie zéro covid de la Chine est une bonne nouvelle pour l’Europe. Exportant plus vers la Chine que les Etats-Unis, elle bénéficiera également davantage que les Etats-Unis du redémarrage de la Chine post-covid qui devrait être très puissant. Le redémarrage des économies occidentales avait surpris tout le monde par sa puissance. Or, ces économies n’avaient été bloquées que quelques trimestres. En Chine, le blocage aura duré presque 3 ans. Les Chinois ont beaucoup économisé et auront soif de consommer. Nul doute que l’effet sera puissant sur la consommation locale (positif pour les exportations européennes) comme sur le tourisme (là encore, positif pour l’Europe).

Concernant les hausses de taux : beaucoup ont déjà été effectuées (300 points de base en un peu plus de 6 mois) ou sont déjà actées (+0,5% à venir en mars sur la base des déclarations des membres de la BCE). Les effets de ces hausses mettront du temps à se diffuser dans l'économie. On estime qu’il faut environ 10 mois entre une hausse de taux et sa répercussion pleine et entière dans l'économie. A titre d’exemple, la dernière hausse de taux ne devrait produire ses derniers effets que fin 2023. Pour la BCE, il est maintenant urgent d'attendre et d’observer les effets de son action dans le temps.

Les spécificités de l’Europe plaident également pour une pause : instabilité sociale élevée, spreads de taux entre pays, transition énergétique à financer pour assurer son indépendance et maîtriser ses coûts, nombreux projets à financer pour assurer sa souveraineté, compétitivité à améliorer. Enfin, un scénario déflationniste associé à une crise économique, le pire des maux, est un scénario qui deviendrait pourtant possible à terme si la BCE remontait trop vite et trop fortement ses taux.

Quelles conséquences pour les marchés actions ?

Voyons maintenant les conséquences de cet environnement économique pour les marchés actions. Nous considérons le marché actions américain comme encore relativement cher, surtout au regard du niveau des taux actuels. Les taux d'intérêt américains sont déjà montés de 450 points de base en un an et les marchés attendent un pic à +5,25%. C'est beaucoup en si peu de temps. Nous attendrons probablement le pic des taux d'intérêt et/ou d'éventuelles opportunités (corrections) avant de revenir de manière plus massive sur le marché US. Enfin, même si le marché de l'emploi résiste étonnamment bien, il s'agit d'un indicateur retardé. Notre sentiment est que ces hausses de taux massives vont en définitive probablement aboutir à minima à un soft landing, voire à une légère récession aux Etats-Unis. Jerome Powell semble avoir pris une posture pragmatique, nous espérons qu’il va maintenant attendre de voir les effets de ces hausses répétées sur l'économie avant de prendre une décision.

Avec la fin de la stratégie zéro covid, la fin de l'acharnement sur ses grands groupes technologiques et au contraire un véritable soutien économique, la Chine devrait repartir très fort (rebond post covid). Elle revient sur le devant de la scène économique et va vraisemblablement reprendre sur le court et le moyen terme son chemin vers la croissance. Reste que le dérapage géopolitique avec les Etats-Unis, même s'il est peu probable, n'est pas impossible. Economiquement, nous pensons qu'il est pertinent de revenir sur les actions chinoises (toujours bon marché suite aux importantes corrections subies en 2021 et 2022). Le risque géopolitique reste cependant latent.

Un marché européen à privilégier

Malgré sa performance récente (que nous anticipions déjà en octobre), le marché actions européen n'est pas cher. D'abord parce que les taux ne devraient pas monter aussi haut qu'aux Etats-Unis. Ensuite parce que les multiples de valorisation sont encore nettement en dessous de leur moyenne historique alors que les entreprises européennes (notamment les grandes entreprises cotées) s'en sortent très bien et devraient voir leurs bénéfices se maintenir, voire légèrement progresser en 2023. Elles sont en effet pour beaucoup très mondialisées et exportatrices. C'est donc davantage le marché mondial que le seul marché européen qui détermine leur activité économique. Enfin, l'Europe, plus exposée à la Chine que les Etats-Unis en matière d’exportations, devrait mieux profiter de la réouverture de la Chine. Jouer l’Europe est donc une manière détournée de jouer la Chine en s’exposant moins au risque politique chinois.

Autre élément rassurant à notre sens pour les marchés actions : contrairement aux prix des matières premières et de l’énergie (susceptibles de monter mais aussi de redescendre), les salaires qui sont montés ne devraient pas redescendre. Or, les grandes entreprises cotées ont à priori plutôt bien encaissé ces hausses et le chômage reste bien orienté des deux côtés de l’Atlantique. En définitive, après la bulle inflationniste (laquelle se résorbe) et à condition que les banques centrales ne cassent pas la croissance, ces hausses de salaires devraient in fine se traduire par des augmentations de chiffres d’affaires et des augmentations de bénéfices. Dès lors, avec des cours relativement bon marché par rapport à leur moyenne historique et un potentiel plutôt à la hausse sur le moyen terme, nous sommes positifs sur les marchés européens sur le moyen terme (sauf choc exogène).

A notre sens, les principaux risques en Europe sont la politique de la BCE (qui ne devra pas trop remonter ses taux au risque de déclencher une crise économique, sociale voire financière) ainsi que les risques géopolitiques, avec un risque limité mais non nul d'élargissement du conflit entre la Russie et l'Ukraine ou encore le risque géopolitique chinois que nous considérons comme modéré à court terme.

Concernant le risque de politique monétaire, nous espérons que les colombes se fassent mieux entendre dans les semaines à venir et que les membres de la BCE, dans une posture pragmatique, attendent de voir les résultats des hausses de taux passées avant d’aller plus (trop ?) loin.

Avertissement : Les informations et opinions contenues dans cet article sont fournies à titre informatif. Elles ne présentent aucun caractère personnalisé et ne constituent ni un conseil en investissement, ni une recommandation d’acheter, de vendre ou de continuer à détenir un investissement. Astyrian Patrimoine ne saurait être tenu responsable d’une décision d’investissement ou de désinvestissement prise sur la base de cet article. Nous vous rappelons que tout investissement sur les marchés présente un risque de perte en capital et que les performances passées ne présagent pas des performances futures. Par conséquent, ces analyses sont fournies à titre indicatif et ne sauraient constituer en aucun cas une garantie de performance future.

©2023-2024
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Stéphane Faure

Le parcours de Stéphane Faure

fondateur, Astyrian Patrimoine

Stéphane Faure est diplômé de l’Ecole nationale supérieure des mines de Saint-Etienne (ISMEA 97) et du Mastère Spécialisé « International Wealth Management » de l’ESCP Europe.

Après une première partie de carrière dans le conseil au sein de grandes banques et assureurs Français, Stéphane cofonde en 2014 le cabinet de gestion de fortune parisien Astyrian Patrimoine, qui s'est vu décerner le Trophée d’Argent "Révélation CGP 2019" par Décideurs Magazine.

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