Tribune de Grégory Lecler, Président de Prudentia Patrimoine.
Avec l’inflation qui se propage dans le monde comme une traînée de poudre et la croissance économique qui commence à montrer des signes de faiblesse, rejaillit dans le débat une question oubliée depuis des dizaines d’années : faut-il craindre un retour de la « stagflation » et quelles seraient ses conséquences sur les marchés financiers ?
Définition de la stagflation
Contraction de stagnation économique et inflation, la stagflation est la situation d’une économie qui souffre d’une croissance économique faible ou nulle et d’une forte inflation. Apparue à la fin des années 60 au Royaume-Uni, elle se généralisa au cours des années 70 du fait des chocs pétroliers. Elle se caractérise également par un taux de chômage élevé.
Une inflation qui se répand et s’amplifie
Les gros titres des journaux sur les hausses des prix du gaz, des prix à la pompe ou encore de l’électricité sont révélateurs de la situation actuelle. Alors que toutes les banques centrales prédisent encore aujourd’hui une hausse des prix « temporaire », leurs prévisions sont sans cesse revues à la hausse. Ainsi, par exemple, bien qu’elle estime que l’inflation pourrait durer plus longtemps et être plus forte qu’anticipé précédemment, la Banque de France par la voix de deux de ses économistes, maintient que la hausse récente est de nature temporaire et devrait redescendre sous les 2% d’ici la fin de l’année prochaine.
Une croissance revue à la baisse
Après le FMI récemment puis l’Allemagne, c’est au tour de la Chine de revoir sa croissance à la baisse. En avance dans le cycle économique par rapport aux autres pays, cette révision à la baisse est le témoin des goulots d’étranglement actuels dus aux pénuries de matières premières ou encore d’électricité. Elle est probablement un signe annonciateur de révisions futures.
Le coût de l’énergie
Sous l’effet de la transformation à marche forcée de nos sociétés, des énergies fossiles vers les énergies vertes, les géants de l’industrie pétrolière ont drastiquement revu à la baisse leurs investissements dans l’exploration et la production d’hydrocarbures, alors que le pic de la demande de pétrole n’est pas prévu avant 2030-2035. Cela surenchérit mécaniquement les prix de l’énergie.
Or, sans pétrole, et malgré les progrès remarquables des dernières années, il n’y a toujours pas de chaussures, de plastique, de machines-outils, de voitures, de marchandises… Nous nageons dans un monde de pétrole et notre niveau de vie à court terme dépend encore aujourd’hui de son volume, les prix n’étant la conséquence que de sa rareté ou de son abondance face à la demande. Si notre capacité d’extraction diminue en volume, il n’y a plus de croissance. Et tant que nous ne disposerons pas de solutions alternatives suffisamment efficaces et économes, il en demeurera ainsi.
La première conclusion est que toute projection de croissance doit se fonder sur la consommation énergétique humaine et donc sur les capacités d’extraction de cette énergie primaire. La croissance mondiale de la production d’énergie est très susceptible d’être plus faible dans les prochaines années. Elle pourrait même, à certaines périodes, stagner ou décliner. Le risque de stagflation n’est donc ni une vue de l’esprit, ni une question passagère.
Quelles conséquences pour les marchés financiers ?
Comme chacun le sait, en cas de hausse des taux d’intérêt, la valeur des obligations baisse. Historiquement, il en a toujours été de même pour les marchés actions. Par conséquent, les marchés financiers seront davantage impactés par la hausse de l’inflation que par l’inflation elle-même.
L’inflation que nous subissons actuellement ne va pas disparaître du jour au lendemain. Les investissements dans les énergies alternatives seront coûteux et la tentation sera grande pour les gouvernements de monétiser leurs financements, renforçant ainsi le risque inflationniste. Les épargnants doivent donc surveiller ce risque inflationniste pour arbitrer leurs investissements…