Tribune de Guillaume Eyssette, Directeur associé de Géfinéo.
Quelle était la situation juste avant l’invasion de l’Ukraine ? Nous constations une économie qui tournait à plein régime, avec des taux de chômage au plus bas depuis plusieurs décennies en Europe et aux Etats-Unis. Les grands sujets d’inquiétude des investisseurs étaient l’inflation et la probable remontée des taux d’intérêt.
Qu’est-ce qui a changé ?
Les prix des matières premières se sont envolés, attisant encore l’inflation. Les états réagissent en subventionnant l’énergie pour permettre à leur population d’absorber le choc. Cela repousse d’autant le supposé retour à la sagesse budgétaire, qui devait suivre les déficits historiques liés au COVID. Par ailleurs les dépenses militaires entament un cycle haussier. Plus de dépenses publiques c’est aussi plus d’inflation.
Les banques centrales se trouvent prisent en étau entre leur volonté de lutter contre l’inflation en remontant les taux d’intérêts et la prise en compte du conflit dans lequel les occidentaux sont engagés au moins indirectement. En période de guerre, on hésite à ralentir son économie. Et historiquement ces périodes sont plutôt expansionnistes d’un point de vue dépenses publiques, « on verra plus tard » pour le remboursement de la dette.
Au niveau individuel, certaines entreprises très présentes en Russie sont pénalisées mais au global, le marché russe était de faible importance pour les entreprises occidentales. Pour les chaînes d’approvisionnement, au-delà de quelques cas spécifiques comme la production de câbles en Ukraine, les industries russes et ukrainiennes participaient faiblement aux échanges internationaux, l’impact essentiel est donc sur les matières premières.
Quelles conséquences pour l’investisseur ?
En période d’inflation, le grand sujet c’est de détenir le moins de monnaie possible. Mais si l’on doit se séparer de son cash, c’est pour acheter quoi ? Un assortiment d’actifs dont l’utilité augmente avec l’inflation serait l’idéal. C’est le cas par exemple de l’immobilier de rendement dont les loyers montent avec la hausse des prix, ou encore des entreprises ayant la capacité à augmenter leurs prix plus vite que leurs coûts.
Tout cela avec une optique de long terme car la hausse des taux d’intérêt ferait monter les taux de capitalisation exigés sur le marché, et donc baisser les multiples d’échange « instantanés » d’une majorité d’actifs. Plus spéculatif, certains s’intéresseront à l’or, aux œuvres d’arts, ou à certaines crypto-monnaies.
Les pistes à suivre
L’immobilier est d’autant plus vertueux qu’il rapporte des loyers indexés, et qu’il a été si possible acheté à crédit pour le rembourser en monnaie dépréciée. En matière d’actions, il faut faire la différence entre les entreprises qui souffrent de la hausse des matières premières (les industriels, le transport aérien …), et les entreprises peu ou pas consommatrices de ces ressources. Les éditeurs de logiciels, par exemple, peuvent toutefois s’appuyer sur l’inflation généralisée pour augmenter leurs prix. Le tout étant d’utiliser la volatilité des marchés renforcée par la crise ukrainienne, pour acheter lorsque le marché propose ces entreprises à un prix raisonnable.
Pour se protéger d’une hausse des taux d’intérêts, on peut aussi s’intéresser aux secteurs qui en profitent généralement, comme les banques et les assurances.
Les banques centrales impriment facilement des Euros ou des Dollars, mais on ne peut pas imprimer un nouveau Google ou un nouveau LVMH, pas plus qu’on ne peut imprimer un immeuble. Au quotidien, les marchés réagissent aux nouvelles ou aux rumeurs sur la situation en Ukraine, mais à long terme les différences se feront selon la qualité des actifs, leur rareté, et bien sûr le prix auquel on les a achetés.