Interview : « On avait prédit la mort du bureau mais on voit que les SCPI s'en sortent bien »

Interview : « On avait prédit la mort du bureau mais on voit que les SCPI s'en sortent bien »

Président du directoire d'HSBC REIM, société de gestion d'Elysées Pierre, l'une des SCPI de bureaux les plus importantes du marché, Dominique Paulhac revient sur l'année écoulée et les perspectives 2023 de l'investissement immobilier.

Interview : « On avait prédit la mort du bureau mais on voit que les SCPI s'en sortent bien »
Crédit photo © HSBC REIM

Dans un contexte économique inédit d’inflation, de remontée rapide des taux d’intérêt et de tensions géopolitiques, les investisseurs ont particulièrement choyé la pierre parmi leurs placements cette année. Faites-vous la même observation avec Elysées Pierre ?

Incontestablement, l’immobilier a cette année occupé une place de choix dans les portefeuilles des investisseurs, qui ont cherché des stratégies protectrices contre l’inflation – et dont on sait que la pierre est un excellent rempart.

Pour le marché des SCPI, y compris pour Elysées Pierre, après une année de reprise en 2021 tout à fait honorable, 2022 aura été une année excellente, avec des collectes records.

En témoigne le niveau de la collecte nette de notre SCPI, qui devrait dépasser les 100 millions d’euros en 2022, contre 71,8 millions d’euros l’année dernière.

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Nos autres indicateurs sont aussi restés très solides : notre patrimoine immobilier a continué de s’apprécier – son actif net revalorisé (ANR) devrait être compris entre +1% et +1,2% cette année, le taux d’occupation de nos immeubles frôle toujours les 90% et celui du recouvrement des loyers reste supérieur à 99%.

La qualité de nos locataires – composée à 80% de grands groupes et d’entreprises de taille intermédiaire – nous a permis de répercuter sans aucune difficulté une partie de l’inflation sur nos loyers. La quasi-totalité de nos baux sont en effet indexés sur l’ILAT (l'indice des loyers des activités tertiaires), qui a pris un peu plus de 5% sur une année glissante*.

Nous disposons par ailleurs d’environ 80 millions d’euros de réserves, soit de 24,6€ par part, représentant près de 9,6 mois d’avance de distribution.

Dans ce contexte, notre SCPI patrimoniale sera en mesure de distribuer un TDVM aux alentours de 4% en 2022, après 4,07% en 2021, et toujours un rendement net de 3,64%, inchangé par rapport à l’année dernière.

Quelles opérations avez-vous réalisées en 2022 ?

Sur l’ensemble de l’année, nous avons réalisé six cessions pour 24 millions d’euros de plus-values, et réalisé deux belles acquisitions en septembre : nous avons ainsi acheté Le Kyriel, un immeuble de bureaux très récent de 4.500 mètres carrés situés à Maisons-Alfort, dans le Val-de-Marne, situé au pied d’une station de métro de la ligne 8. Acquis pour 22,3 millions d’euros avec un rendement de 5,11%, il est entièrement loué et occupé par des entreprises de taille intermédiaire et un acteur public.

Nous avons également acheté à Icade, l’Axe 13, sur le site de Nanterre-La Défense, immeuble de bureaux d’Axa de 16.700 mètres carrés, qui dispose pour sa part d’un accès direct au RER au sein même du site. Acquis pour 132 millions d’euros pour un rendement de 4,3%, il est loué à 99% par Axa avec un bail en cours de huit années et à 1% par Monoprix.

Le nombre de transactions réalisées par notre SCPI en 2022 est un peu moins important que les années précédentes car nous arrivons au terme d’une période de "grand ménage" de notre portefeuille, entrepris il y a environ cinq ans, et durant laquelle nous avons cédé un certain nombre de biens obsolètes, trop onéreux à restructurer ou tout simplement sortis de notre cible qualitative.

Votre SCPI a également obtenu cette année la labellisation ISR...

Tout à fait. Cet important travail de fond sur la qualité de notre parc s’est accompagné de l’obtention du label ISR le 14 octobre dernier. Nous sommes très satisfaits de cette labellisation : la mesure de l’efficacité énergétique et la définition, pour chacun de nos immeubles**, d’un plan d’actions en vue d’améliorer leur performance environnementale, sociale et de gouvernance (ESG), ont mobilisé nos équipes pendant environ une année. Il a fallu aussi intégrer de façon plus stricte et formalisée le volet ESG dans notre process d’acquisition.

In fine, la labellisation ISR fut un travail d’approfondissement de notre métier de gestionnaire immobilier. Nous connaissons ainsi mieux nos immeubles, ce nous permet d’en améliorer la performance énergétique, de mieux fidéliser nos locataires, de rendre plus attractifs nos actifs, et en fin de compte, de mieux les valoriser.

La collecte sur les SCPI en 2022 aura été en effet exceptionnelle, mais le marché semble observer des signes de ralentissement en cette fin d’année. Faut-il s’en inquiéter ?

J’entends ici et là des oiseaux de mauvais augure sur les perspectives du marché mais je crois qu’il faut raison garder. Il est vrai que certains segments – je pense en particulier au logement – sont moins dynamiques, mais en ce qui nous concerne – les bureaux franciliens de qualité très bien placés – les signaux restent au beau fixe. Si les projections macroéconomiques ne sont pas éclatantes, évidemment, il y a toujours de la croissance, les chiffres de l’emploi sont excellents, et l’Ile-de-France reste bien sûr un marché privilégié.

Pour les SCPI, il n’est pas exclu que la période 2023 soit moins flamboyante que 2022 en termes de collecte, qui, je le rappelle, a atteint des records. Avec la remontée des taux d’intérêt, certains placements sans risque – tels que les dépôts à terme – ont retrouvé des couleurs et font mécaniquement un peu de concurrence à la pierre papier.

L’ambiance, en cette fin d’année, est aussi plus attentiste face aux prochaines décisions des banques centrales, de la courbe des taux d’intérêt et de l’inflation. Mais cela ne nous rend pas du tout pessimistes. On sait que l’inflation ne redescendra pas abruptement ces prochaines années et que dans ce contexte, nos placements, excellents protecteurs contre l’érosion monétaire, vont continuer à tirer leur épingle du jeu.

Tout cet argent collecté est bien sûr un élément positif pour les SCPI, mais dans le contexte attentiste que vous décrivez, y a-t-il aujourd’hui des opportunités d’achat suffisantes pour investir cette collecte ?

En termes de volume investi, les chiffres du 3e trimestre sont très bons pour les SCPI, mais oui, le 4e trimestre s’avère plus calme. D’un côté, les acheteurs prennent en compte un environnement de taux qui a changé rapidement. De l’autre, le marché restant très sain, les vendeurs n’ont pas de pression particulière à céder leurs actifs, et surtout pas à n’importe quel prix. Il y a des opportunités d’achat, mais il faut prendre son temps. Nous privilégions la qualité à la quantité.

Votre SCPI se concentre principalement sur une classe d’actifs, les bureaux, sur laquelle des inquiétudes s'expriment. Les nouveaux usages et la démocratisation du télétravail ont mené beaucoup d’entreprises à limiter leur surface d'occupation, et la structuration du marché semble évoluer. Comment ces éléments influent-ils aujourd’hui sur votre stratégie d’acquisitions ?

Avec la pandémie de coronavirus, certains avaient prédit la mort du bureau. Près de trois années se sont écoulées depuis l’arrivée de la crise sanitaire, on voit bien que les SCPI de bureaux s’en sortent très bien ! Elysées Pierre évolue sur un segment privilégié.

Oui, les usages changent, beaucoup de grandes entreprises ont réduit leur surface d’occupation, de 5%, 10%, voire 20%. Mais dans les secteurs d’affaires attractifs de Paris et de la première couronne, la demande d'actifs de qualité est restée vraiment très forte, en particulier de la part des PME, qui se jettent sur les surfaces libérées par les grands groupes.

Actuellement, nous sommes surtout sollicités sur les questions de normes environnementales et de durabilité que sur celles du télétravail. Nous nous adaptons : au-delà de nos plans d’actions ESG, nous n’achetons que des immeubles divisibles – qui peuvent être transformés en plusieurs lots pour accueillir plus de locataires – et nous proposons davantage de flexibilité aux occupants dans la durée de nos baux.

Dans cette famille que la profession qualifie de "SCPI de rendement", Elysées Pierre revendique un positionnement différent, avec une stratégie se concentrant davantage sur la valorisation du patrimoine que sur les revenus distribués. Les épargnants restent pour autant très attachés à ce dernier critère. Comment réussissez-vous à vous démarquer alors que votre rendement – de 3,64% net – se situe en bas de la fourchette du marché ? N’envisagez-vous pas par exemple d’augmenter votre coupon, qui est de 30€ par part depuis 2017 ?

Il serait tentant d’augmenter notre coupon pour afficher un rendement supérieur face à la concurrence, mais ce n’est pas dans notre philosophie. Nous n’avons d’ailleurs pas à rougir de notre taux de rendement interne sur dix ans, qui est de 6,41% !

Nous sommes en effet une SCPI "patrimoniale" : nos points forts, ce sont nos actifs, un patrimoine de qualité qui se valorise dans le temps, et d’excellents locataires. Et c’est, je crois, ce qu’attendent les investisseurs qui se tournent vers Elysées Pierre.

Nous nous concentrons sur le long terme et nous assurons à nos associés la stabilité de leur investissement. Dans le contexte actuel, où les projections à deux trois ans sont délicates, je pense qu’il serait inopportun d’augmenter le montant du coupon. Nous devons agir en responsabilité vis-à-vis de nos associés, et privilégier pour l’heure la prudence.

*Passé de 116,46 au T2 2021 à 122,65 au T2 2022.

**Elysées Pierre comptait 117 immeubles à la fin du 1er semestre 2022 (30/06/2022). La valeur totale estimée des actifs était, à date, de 2.198.061.694€. En prenant en compte les opérations de la 2e partie de l'année, le portefeuille de la SCPI devrait compter 115 immeubles au 31/12/2022.

©2022-2024
L'Argent & Vous
Dominique Paulhac

Le parcours de Dominique Paulhac

Président du directoire, HSBC REIM

Dominique Paulhac (IEP, diplôme d'études supérieures en droit), a débuté sa carrière en tant qu'analyste financier au bureau d'études du CCF.

Il rejoint ensuite l'équipe de Corporate Finance en 1988, où il participe à de nombreuses opérations de fusions/acquisitions, de privatisation (fusion Eurazeo/Rue Impériale, fusion Suez-Lyonnaise des Eaux, privatisation de la Seita, d'Eramet...). et conseille de nombreuses opérations immobilières de références (acquisition de Simco par Gecina, IPO de Foncia...).

Depuis 2004, il est président du directoire de HSBC REIM (France). Dominique Paulhac a participé à ce titre à la relance de la SCPI Elysées Pierre, à sa transformation en SCPI à capital variable ainsi qu'à la création en 2009 de la SCPI Elysées Résidence 5, SCPI de type Scellier.

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