Alors que les pouvoirs publics planchent sur un cadre juridique des influenceurs, nous avons recueilli le témoignage de Matthieu Louvet, conseiller en investissement financier et youtubeur, sur ses partenariats avec certains courtiers.
Ex-ingénieur en data sciences devenu conseiller en investissement financier, Matthieu Louvet, 26 ans, anime depuis trois ans S’investir, une chaîne YouTube dédiée aux placements et à la bourse dont la pédagogie et le sérieux des contenus a fait des émules.
Fort d’une communauté de plus de 70.000 personnes, il collabore avec plusieurs plateformes de courtage qui le rémunèrent pour un service de liens d’affiliation.
Nous l’avons interrogé sur ses pratiques de collaboration commerciale avec les courtiers et sur ce qu’il pensait des initiatives publiques pour réguler le secteur.
Influenceurs et créateurs de contenu sont devenus un passage obligé de promotion pour les marques, y compris dans l’univers financier. Vous-même travaillez avec plusieurs plateformes de courtage et d’investissement comme DeGiro, Trade Republic ou encore Linxea. Comment ces collaborations ont-elles débuté ?
Je travaille avec une dizaine de partenaires autour de différentes thématiques. En tant que conseiller en investissement financier (CIF), mon approche patrimoniale est bien sûr diversifiée : je parle de bourse, d’ETF, mais aussi d’assurance vie, d’immobilier, de crowdfunding, de cryptoactifs etc.
La plupart des sociétés avec lesquelles je "travaille" sont d’abord venues me voir : dans la majorité des cas, j’ai été démarché, je n’ai pas été à l’origine de ces collaborations. Mais je ne promeus que des plateformes que j’utilise, c’est mon crédo. Je n’inciterai jamais ma communauté d’internautes à passer par des courtiers que je n’aurais moi-même pas choisi, ce serait de la tromperie.
Quelles formes prennent ces collaborations ?
Je ne fais que du partenariat pour le placement de liens d’affiliation, une pratique aujourd’hui très répandue chez les intermédiaires financiers. Je n’ai pas de rémunération fixe : concrètement, je touche une commission de parrainage si un internaute ouvre un compte auprès d’un courtier en cliquant sur le lien apparaissant dans le descriptif et la fin de ma vidéo.
Je suis par ailleurs très transparent sur ces collaborations : je précise toujours l’existence et la forme de ces partenariats dans mes vidéos.
Les sociétés ont-elles un droit de regard sur le contenu de vos vidéos ?
Absolument pas. Je refuse ce type de collaboration, comme je refuse aussi catégoriquement toute clause d’exclusivité. Je tiens à conserver mon indépendance et mon libre arbitre dans les avis et les conseils que je délivre. Ce n’est pas parce que je propose un lien d’affiliation avec telle plateforme que je ne vais pas critiquer certains de ses aspects ou que je ne vais pas parler d’un concurrent.
Vous recevez beaucoup de propositions de partenariat commercial ?
Très régulièrement. J’ai dû recevoir des demandes de la part de tous les principaux courtiers du marché français. En 2021, lors de la bulle des NFT et des records de Bitcoin, je recevais une à deux propositions par semaine d’acteurs étrangers. De façon générale, les influenceurs et les créateurs de contenu sont de plus en plus sollicités. Aujourd’hui, si vous comptez une communauté de même pas 10.000 abonnés, vous recevez des propositions, ce n’était pas le cas quand j’ai démarré mon activité il y a trois ans.
Et c’est bien payé ?
Les tarifs sont très variables : ils dépendent des sociétés de courtage, de la forme du partenariat et de votre « notoriété ». Pour les liens d’affiliation, vous pouvez toucher entre 30€ et 150€ par parrainage.
Pour la commande d’une vidéo "d’avis de courtier" de quelques minutes dont une partie du contenu est plus ou moins dictée par la plateforme - un type de collaboration que je refuse de pratiquer - les prix débutent à 1.000 euros mais peuvent grimper bien au-delà.
Bien sûr, ceux qui rémunèrent le mieux ne sont pas toujours les plus recommandables. Au contraire, il est assez fréquent que les "mauvais" courtiers – qui appliquent des frais excessifs pour des produits financiers peu adaptés aux particuliers – paient grassement des influenceurs pour les promouvoir.
Aujourd’hui, certains ne vivent plus que de ces vidéos sur commande. Je pense que ces pratiques d’avis rémunérés – qui sont évidemment des avis biaisés, des publicités trompeuses - devraient être interdites. C’est de l’abus de confiance.
Quelle est la part de vos revenus issue de ces partenariats ?
Elle reste minoritaire. Cela représente environ 20% de mon chiffre d’affaires. L’essentiel de mes revenus provient de mon activité de formateur et de conseil en investissement financier (CIF).
Les pouvoirs publics préparent une loi pour lutter contre les dérives de certains influenceurs et l’Autorité de régulation de la publicité professionnelle (ARPP) avec l’AMF vont bientôt proposer un "certificat de l’influence responsable" pour le secteur financier. Que pensez-vous de ces initiatives ?
C’est une excellente chose, je suis complètement pour ce certificat, pour un meilleur encadrement des pratiques et de façon générale, pour plus de transparence vis-à-vis des épargnants.
Aujourd’hui, pas mal d’arnaques pullulent dans notre secteur. A titre personnel, j’en fait d’ailleurs les frais : mon identité a déjà été usurpée plusieurs fois sur Instagram en vue de tromper ma communauté. Il faut mettre de l’ordre dans l’activité des influenceurs dont les mauvais agissements d’une poignée nuisent à l’ensemble des créateurs de contenu, et bien sûr aux épargnants.
