"Il faudrait créer aujourd'hui un 'LDD solidaire'"

"Il faudrait créer aujourd'hui un 'LDD solidaire'"
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Sophie des Mazery, directrice de Finansol

"Il faudrait créer aujourd'hui un 'LDD solidaire'"

La finance solidaire est une notion encore mal connue du grand public. Comment la définir ?

Sophie des Mazery : C'est un mécanisme financier qui va de l'épargne jusqu'au financement d'entreprises à forte utilité sociale ou environnementale. Epargner solidaire permet une double rentabilité : une rentabilité sociale (création d'emplois ou soutien à l'agriculture biologique par exemple) et une rentabilité financière directe, voire indirecte (grâce aux dispositifs fiscaux). L'épargne solidaire représente 3,5 milliards d'euros d'encours qui génèrent 900 millions d'euros de financements solidaires. Depuis 10 ans, 82.700 entreprises ont bénéficié de ce soutien, 200.000 emplois ont été créés ou consolidés et 33.000 personnes ont pu être logées.

La confusion est souvent faite avec l'ISR...

S. des M. : Les objectifs sont convergents avec la volonté de mettre la finance au service de l'économie réelle. Toutefois, le fonctionnement est différent. L'ISR va cibler des entreprises cotées en fonction de leurs pratiques sociales environnementales et de gouvernance. La finance solidaire va viser des entreprises non cotées, dont l'objectif est de répondre à des besoins humains essentiels: logement, emploi...

Concrètement, comment s'engager en finance solidaire ?

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S. des M. : Il existe plusieurs moyens. Le premier est l'investissement direct au capital d'entreprises solidaires. On devient alors actionnaire d'une entreprise solidaire. On peut dans ce cadre bénéficier d'allègements fiscaux : 18% de l'investissement est déductible de l'IR. Si on est assujetti à l'ISF, on peut même déduire 50% des sommes engagées. L'épargne salariale joue aussi un rôle important, la loi obligeant les entreprises concernées à présenter au moins 1 fonds d'épargne solidaire. Fin juin, l'épargne salariale solidaire représentait 2,6 milliards d'euros d'encours.

On peut enfin passer par sa banque. Il existe dans tous les établissements des livrets d'épargne de partage. Ils bénéficient d'une sur-rémunération par rapport au Livret A et permettent de partager une partie des intérêts avec une association. Une autre solution consiste à souscrire à des OPCVM solidaires, c'est-à-dire des fonds investis à 10% dans des projets solidaires et pour les 90% restants selon des critères ISR , labellisés Finansol.

Au total, 122 produits d'épargne solidaire ont reçu le label Finansol.

Qu'en est-il des performances financières de ces investissements ?

S. des M. : Je tiens à dire que l'idée reçue selon laquelle l'investissement solidaire ne rapporte rien est fausse, même si la performance financière n'est pas l'objectif premier de la finance solidaire. Dans un investissement direct, l'entreprise solidaire ne va certes pas rémunérer ses parts. Mais les dispositifs fiscaux attachés permettent de générer une performance financière. Par exemple, 1.000 euros investis en capital, les parts étant conservées au moins 5 ans, vont offrir 4% de rendement annuel pour une personne à l'IR.

Dans le cas des OPCVM solidaires, leurs performances sont proches de celles des fonds classiques, la part non rémunérée étant limitée à 10%. On a des rendements semblables à ceux des fonds ISR. Le FCP Ecureuil Bénéfices Emploi affiche par exemple +13% sur l'année.

Quant aux livrets solidaires, la prime qu'ils offrent par rapport au Livret A varie entre 0,25% et 0,5%.

Quels seraient les leviers à activer pour développer un peu plus la finance solidaire ?

S. des M. En 10 ans, l'encours de la finance solidaire a été multiplié par 12. Toutefois elle ne représente encore que 0,1% du patrimoine financier des Français. L'objectif des acteurs de la finance solidaire est de parvenir à 1%. Il nous manque très clairement un produit d'épargne réglementé, proposé dans tous les réseaux bancaires, facilement identifiable par le grand public pour faciliter son engagement. Il faudrait aujourd'hui créer un " LDD solidaire ", en d'autres termes un livret réglementé aisément accessible qui permettrait de financer le développement des entreprises solidaires. Ce serait un bon moyen de conforter la croissance de la finance solidaire.

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