Assurance vie : « Les fonds en euros devraient s’aligner sur la rémunération du livret A »

Assurance vie : « Les fonds en euros devraient s’aligner sur la rémunération du livret A »
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La remontée des taux d'intérêt obligataires va-t-elle profiter aux titulaires de contrats d'assurance vie cette année ? Nous avons posé la question à Quentin Petit-Prestoud, spécialiste du sujet chez Artémis Courtage Gestion Privée.

Assurance vie : « Les fonds en euros devraient s’aligner sur la rémunération du livret A »
Crédit photo © Kino Gestion Privée

Les taux d’intérêt des obligations d’Etat ont continué d’augmenter cet été, et les banques centrales ont prévenu que leurs politiques de relèvement devraient se poursuivre dans les prochains mois pour lutter contre l’inflation. Pour les épargnants, cela signifie des emprunts immobiliers plus chers, mais aussi potentiellement des contrats d’assurance vie des fonds en euros plus rémunérateurs, non ?

C’est exact, même si la hausse des taux ne se reflète jamais instantanément sur les fonds en euros. En général, il faut compter une inertie d’une année, voire de deux ou trois ans pour que le niveau de rémunération des fonds se cale sur celui observé sur les marchés financiers. La raison tient à la composition de ces portefeuilles dont toutes leurs obligations n’arrivent pas à terme au même moment bien sûr.

Or les obligations les plus anciennes, qui arrivent à échéance après 10 ou 15 ans, restent plus rémunératrices que les obligations actuelles, en dépit de la remontée des taux. Les assureurs doivent trouver un point d’équilibre dans la rémunération des fonds en euros : il est très important car le capital de ces placements est garanti aux épargnants.

Est-ce que cela signifie que les particuliers ne doivent pas s’attendre à ce que les fonds en euros leur rapportent plus en 2022 qu’en 2021, dont la performance moyenne n’a pas dépassé les 1,3% nets de frais de gestion selon France Assureurs ?

Non, la bonne nouvelle, c’est que la rémunération des fonds en euros devrait quand même augmenter cette année. La plupart des professionnels avec qui nous avons pu échanger nous l’ont fait comprendre. Je suis certain que beaucoup devraient s’aligner sur le taux du Livret A, qui est passé à 2% cet été. Avec l’inflation, et des unités de compte pénalisées par la baisse des marchés actions, les assureurs vont faire des efforts pour que leurs contrats restent attractifs, qui à puiser dans les provisions de participation aux bénéfices (PPB, qui appartient aux assurés, NDLR).

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Avec un taux de 2%, promis à encore augmenter au début de l’année prochaine, on peut en effet considérer que les livrets A et les LDDS, qui sont des placements non seulement très liquides, mais aussi gratuits et entièrement défiscalisés, vont faire de l’ombre aux fonds en euros. A quel point peuvent-ils les concurrencer ?

Le risque, pour les assureurs, dépendra de la vitesse à laquelle les taux vont remonter. Si la hausse est lente et régulière, ils devraient pouvoir suivre la rémunération des livrets en s’appuyant sur les PPB. Si elle est trop brutale en revanche, cela risque d’être un peu plus compliqué, mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas.

La concurrence des livrets A s’inscrit par ailleurs dans une certaine limite : leurs dépôts sont plafonnés à 22.500€, et ceux des LDDS à 12.000€. Pour les ménages disposant de capitaux plus élevés, et/ou pour ceux qui sont dans une logique de construction patrimoniale, le fonds en euros reste toujours très attractif grâce aux avantages fiscaux de l’assurance vie et à la garantie de son capital.

Cette garantie est un atout indéniable, que vous investissiez à plus ou moins long terme. Même pour nos profils d’investisseurs les plus offensifs, qui souhaitent prendre plus de risque pour aller chercher davantage de rendement via les unités de compte, nous recommandons toujours une poche majoritaire de fonds en euros.

La concurrence de l’épargne réglementée n’est pas prise à la légère par les assureurs, mais elle devrait surtout concerner les « nouveaux » clients avec des investissements inférieurs à 35.000€. Ceux qui possèdent déjà un contrat d’assurance vie, dans la grande majorité des cas, ne vont pas transférer les encours de leurs fonds en euros vers des livrets pour une différence de rendement de 0,20 point de pourcentage… Ils laisseront travailleur leur contrat, d’autant plus qu’aujourd’hui, les contrats d’assurance vie sont rarement composés à 100% de fonds en euros.

Ces dernières années, les assureurs ont surtout orienté leurs stratégies commerciales vers les unités de compte au détriment du fonds en euros. Mais avec d’un côté des marchés actions en baisse, et de l’autre, des taux obligataires qui remontent, ces stratégies sont-elles encore opportunes ?

Disons que le tableau d’ensemble va inciter en effet les acteurs à rendre leurs fonds en euros plus attractifs. Mais investir dans un contrat d’assurance vie est une opération de long terme, et à long terme, on sait que les placements en actions sont plus rémunérateurs que les fonds obligataires. Sans compter que les fonds en euros coûtent chers aux assureurs, donc les efforts portés sur la commercialisation des unités de compte ne vont pas s’arrêter net.

Par exemple, de plus en plus d’assureurs proposent aujourd’hui un système de bonification de la rémunération des fonds en euros selon le pourcentage investi en unités de compte. Certains les bonifient aussi à partir d’un certain niveau d’encours, mais relativement élevé, cela ne concerne que la clientèle aisée.

Par ailleurs, il faut rappeler que toutes les UC ne sont pas investies dans les actions, et que certaines sont aussi moins risqués. Les assurés peuvent par exemple opter pour des UC investies dans l’obligataire, qui profitent en ce moment de la hausse des taux d’intérêt, et qui peuvent offrir des rendements supérieurs à ceux du fonds en euros à court terme.

Dans ce contexte, quelle répartition entre fonds en euros et unités de compte (UC) conseilleriez-vous aux épargnants souhaitant investir dans un contrat d’assurance vie ?

Tout dépend bien sûr de son profil et de ses objectifs, mais dans tous les cas, nous recommandons d’investir progressivement dans les UC. Pour les personnes prêtes à prendre des risques, nous conseillons quand même de commencer prudemment, avec environ 60% de fonds en euros et 40% d’UC, car les niveaux de marché actions actuels restent quand même assez haut. Pour les investisseurs plus prudents, la part investie en fonds en euros sera supérieure. Elle peut même atteindre 100%, mais nous conseillons de garder quand même une poche en unités de compte, de 20 à 30% par exemple, pour un horizon de placement à long terme.

©2022-2024
L'Argent & Vous
Quentin Petit-Prestoud

Le parcours de Quentin Petit-Prestoud

Associé gérant, Kino Gestion Privée

Diplômé du master Gestion de Patrimoine de l’IAE Gustave Eiffel (Université Paris XII) en 2015, Quentin Petit-Prestoud fit ses armes chez SwissLife Banque Privée pendant deux ans avant de basculer du côté des indépendants en 2017. D’abord dans une startup en tant que conseil patrimonial puis dans un cabinet Parisien où il est intervenu auprès d’une clientèle de sportifs de haut niveau. Après cinq années d’expériences, il rejoint Charles Pelissier et Nicolas Demyttenaere au lancement d’Artémis courtage Gestion Privée en début d’année 2020, devenu Kino Gestion Privée.

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