SCPI : Corum écope d’une amende de 600.000€ de l’AMF pour une série de manquements

SCPI : Corum écope d’une amende de 600.000€ de l’AMF pour une série de manquements
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La société de gestion spécialisée dans les SCPI s'est faite rappeler à l'ordre pour un ensemble de lacunes relatives à ses procédures internes et des campagnes de communication commerciales déployées entre 2016 et 2019. Décryptage.

SCPI : Corum écope d’une amende de 600.000€ de l’AMF pour une série de manquements

Des publicités aux informations « peu claires, inexactes ou trompeuses », des défauts de renseignements obtenus auprès des clients ne lui permettant pas d’offrir des placements « en adéquation avec leurs profils de risque », des carences vis-à-vis du contrôle de ses distributeurs, des procédures internes « lacunaires » concernant le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT)…

Pour ces quatre séries de manquements, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) vient de condamner la société Corum Asset Management au versement d’une amende de 600.000€.

Acteur bien connu du marché des SCPI, Corum avait fait l’objet d’un contrôle du gendarme français des marchés financiers en 2019. A l’issue d’une procédure de près de trois ans, les charges retenues contre le spécialiste de la pierre papier, qui visent des opérations réalisées entre 2016 et 2019, sont développées dans une décision prolifique de plus de 50 pages, rendue publique lundi.

500.000€ de mesures correctrices

Pour justifier sa sanction, l’AMF met en exergue que « les manquements retenus sont nombreux et que certains sont très graves comme la qualité de la documentation commerciale des fonds, les défauts du contrôle interne et du contrôle des distributeurs ».

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Mais elle relève aussi que la société y a depuis apporté des mesures correctrices – moyennant un investissement de plus de 500.000€, soit pratiquement le montant de son amende – que Corum n’a tiré aucun profit de ces entorses légales, et qu’« aucun préjudice d’investisseur » n’a été signalé.

Corum, qui a contesté la plupart des griefs retenus par l’Autorité des marchés financiers, notamment lors d’une audition tenue en décembre 2020, a accueilli cette décision non sans une certaine ataraxie : « Nous savions depuis le début du contrôle de l’AMF en 2019 que ni notre stratégie d’investissement, ni notre gestion, ni la performance de nos produits, ni le respect des intérêts de nos clients n’étaient remis en cause par l’Autorité des marchés financiers », déclare à L’Argent & Vous Frédéric Puzin, le président-fondateur de Corum.

Absence de sanction disciplinaire

« Aucune sanction disciplinaire n’a par ailleurs été prononcée, ce qui est assez rare sur des sujets relatifs au dispositif LCB-FT », nous précise son avocate Maître Martine Samuelian, du cabinet d’affaires Jeantet, qui juge la sanction pécuniaire de 600.000€ « dans la moyenne » et proportionnée à la surface financière de la société (Corum a enregistré un chiffre d’affaires de près de 87,7 millions d’euros en 2020).

Considérant que Corum a été sanctionnée « sur la forme, et non sur le fond », Frédéric Puzin estime que le procès-verbal de la décision ainsi que le communiqué de presse de l’AMF sont « un message envoyé au marché des SCPI à des fins pédagogiques » sur les règles que ces acteurs doivent respecter dans le cadre de leurs communications commerciales « novatrices ».

Avec une poignée d’autres acteurs, en majorité des courtiers, la société de gestion créée en 2012 fait partie des pure players du marché français à avoir misé sur le numérique et la désintermédiation pour attirer un nouveau profil de clients sur des produits d’épargne non réglementés.

Succès commercial

Corum AM est clairement une réussite business : une stratégie de gestion pêchue servant de beaux rendements, une commercialisation réalisée majoritairement en direct, une communication ‘décomplexée’ sur ses fonds lui ont valu de briguer rapidement une bonne part du marché des SCPI… et de mener logiquement l’AMF à se pencher sur son cas.

La commission des sanctions a retenu pas mal de griefs sur ses procédures internes et sur le contrôle de deux de ses distributeurs : un amoncellement de petites négligences, de process mal rodés, d’absence de traçabilité – un manque de rigueur général dans un univers où la « compliance » doit régner en maître. En dépit de leur nombre, cependant, les manquements de Corum concernent à chaque fois une très faible minorité de clients ou prospects (parfois un ou deux sur un échantillon de plusieurs centaines de dossiers).

Publicité des produits risqués

Mais la partie la plus intéressante de la décision est relative aux pratiques commerciales de Corum.

Les exigences de l’AMF en matière de transparence et d’information commerciales des produits financiers sont très élevées, et en particulier lorsqu’il s’agit d’investissements risqués, dont le capital n’est pas garanti – comme les SCPI.

Afin de prémunir les épargnants contre des achats 'd’impulsion' ou réalisés en méconnaissance de cause, la forme de ces énoncés commerciaux compte autant que le fond, et l’AMF veille au grain.

Pour certaines de ses communications, l’autorité reproche à Corum d’avoir ainsi présenté de façon « déséquilibrée » les avantages et les risques de ses produits, et mis en avant des informations « trompeuses » sur les frais prélevés et la performance de ses fonds.

Mentions légales et formes du message

Dans des newsletters mettant en avant le rendement d’actifs immobiliers acquis par ses fonds, par exemple, Corum n’a pas mis en perspective ce rendement avec celui global de ses SCPI, et a omis d’indiquer que ce rendement n’était pas garanti, bien que les documentations incluaient « l’avertissement » obligatoire relatif au fait que la performance passée des fonds ne permet pas de préjuger des performances futures.

L’AMF épingle aussi la société de gestion pour avoir usé de formules commerciales quelque peu agressives, pouvant être mal interprétées par les épargnants en dépit de la présence des mentions d’avertissements légales :

« Les courriels d’information relatifs aux dividendes versés par les SCPI Corum comportaient un avertissement relatif à différents risques, en tête des courriels et en caractères noirs. Cet avertissement était toutefois relégué au second plan par l’effet de l’utilisation de caractères gras et colorés pour la mention relative au versement des dividendes. Cette mention, ainsi rédigée ‘Nouveau, vos revenus Corum XL versés chaque mois !’ suggérait que le versement de ces dividendes était garanti », indique l’autorité dans sa décision.

Frais d’investissement

Autre exemple : l’AMF considère que Corum a fait une « présentation trompeuse » des frais prélevés sur ses investissements dans une campagne publicitaire annonçant que ses SCPI étaient accessibles dès 1.060€ « tous frais inclus » alors que seules les commissions de souscription étaient comprises dans ce montant, et pas les frais prélevés après la souscription (commissions sur les produits locatifs des SCPI, commissions d’arbitrage lors de cessions d’actifs, commissions de suivis de travaux, etc.).

Or, l’ensemble de ces prélèvements post-souscription ont représenté en 2018 pour les souscripteurs des SCPI Corum Origin et Corum XL des charges équivalentes, respectivement, à 21,2% et 24,4% des revenus générés par leurs investissements, fait remarquer la commission des sanctions.

Pour le président de Corum, l’argumentaire de l’AMF tient de la « tautologie », considérant qu’il était très évident que la campagne publicitaire faisait référence aux coûts supportés au moment de l’acquisition des parts. Mais pas l’AMF, qui estime que ces publicités auraient dû mentionner que ce ticket d'entrée s'entendant « frais de commissions de souscription inclus ».

Silence ne vaut pas acceptation

« La commission des sanctions devait statuer sur un point nouveau : c’était de savoir si les règles qui avaient été écrites pour des moyens de communication traditionnels devaient s’appliquer à l’identique lorsque l’on utilisait des moyens de communication innovants, explique Maître Samuelian. Elle a considéré que les mêmes règles devaient être appliquées et de la même façon. Corum en prend bonne note mais je tiens à préciser que la société a toujours cru sain, préalablement à la diffusion de ses documentations commerciales, de les soumettre à l’AMF. »

Certaines de ces requêtes sont restées sans réponse, ce que Corum a interprété comme une approbation. Erreur. « Dans sa décision, à plusieurs reprises, la commission des sanctions a précisé que ce n’était pas parce que nos sollicitations étaient restées sans réponse que cela valait approbation », souligne l’avocate. Pour l’AMF, qui ne dit mot ne consent pas forcément.

En attendant, Corum a dû se mettre au diapason d’une communication commerciale sans doute moins ‘punchy’, mais raccord avec des exigences élevées de protection des épargnants…

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