Hausse du taux du Livret A en mai : une carotte électorale ultra-tentante

Hausse du taux du Livret A en mai : une carotte électorale ultra-tentante
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Sur le papier, la Banque de France pourrait proposer le 15 avril une nouvelle hausse des taux des livrets réglementés le mois prochain. En pleine période électorale, aucun doute que cette proposition serait considérée comme démagogique. Dont acte.

Hausse du taux du Livret A en mai : une carotte électorale ultra-tentante
Crédit photo © Boursier.com

Le caractère transitoire de l’inflation, qui circulait il y a encore quelques semaines dans les projections des banques centrales et des économistes de tous bords, est bien renfermé dans les tiroirs.

La reprise économique – couplée à la guerre en Ukraine – a installé la hausse des prix à la consommation comme un état de fait durable, avec lequel les économies vont devoir composer, en reportant sine die leurs objectifs d’"austérité" des dépenses publiques.

L’inflation en France flambe à 4,5%, et la Banque de France ne s’attend pas à ce qu’elle redescende sous les 3,7% en moyenne en 2022, dans le meilleur des cas.

Une revalorisation légalement possible le 1er mai

A un niveau inédit depuis 1985, cette flambée des prix à la consommation va entraîner une revalorisation "mécanique" du Smic le 1er mai. Après avoir été augmenté de 0,9% en janvier, celui-ci devrait connaître une nouvelle hausse située entre 2,4% et 2,6%, en fonction du niveau de l’inflation enregistrée ce mois-ci.

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Et pour les livrets d’épargne réglementée (Livret A, Livret de développement durable et solidaire, Livret d’épargne populaire), l’inflation pourrait aussi entraîner une nouvelle hausse du taux de leur rémunération dans moins de deux mois… Si la Banque de France refuse de se prononcer sur cette éventualité – qui serait une première historique – un tel scénario n’est pas à exclure.

Ces livrets sont revalorisés deux fois par an, en février et en août, mais peuvent aussi l’être le 1er mai et le 1er novembre, sur proposition de la Banque de France, si l’institution « estime que la variation de l’inflation ou des marchés monétaires le justifie ».

Sur le papier, l’institution est donc en mesure de proposer le 15 avril, à deux jours du 2e tour de l’élection présidentielle, une nouvelle hausse des taux au gouvernement, qui pourrait tourner autour de +1,3% selon sa méthode de calcul, basée sur l’inflation et les taux interbancaires à court terme (EONIA) des six derniers mois. Et il est légitime de penser que la « variation de l’inflation », à un sommet de près de 40 ans, justifierait cette option.

La problématique de la relance

Bien sûr, l’augmentation des taux d’intérêt demande un effort financier certain à l’Etat. Surtout, du point de vue de la doxa économique, cette hausse serait considérée comme contreproductive car elle mènerait les ménages à alimenter davantage leurs livrets.

Un phénomène en général passager (environ un trimestre), constaté d’ailleurs avec la dernière hausse des taux de ces produits en février, mais dont souhaiterait a priori se passer le gouvernement actuel, qui s’évertue au contraire à inciter les Français à dépenser plus – ou à investir dans "l’économie réelle" (comprenez dans les entreprises) pour soutenir notre économie nationale, foncièrement basée sur la consommation.

Il y a les objectifs économiques, et puis il y a l’opinion publique. Et surtout les élections. Rappelons qu’en janvier, le locataire de Bercy était allé au-delà des recommandations de la Banque de France de passer le taux du livret A à 0,8%, en annonçant en grandes pompes au 20h de TF1 une rémunération doublée, à 1%, alors même qu’il avait assuré en amont qu’il s’en tiendrait à la proposition de l’institution bancaire…

De la même façon, l’exécutif avait répété à l’envi que son nouveau plan de résilience destiné à parer les effets de la guerre en Ukraine respecterait une certaine rigueur budgétaire, notamment en ce qui concerne les aides aux ménages, en ne ciblant que les Français les plus modestes. On connaît la suite : en a découlé une remise des prix du carburant pour tout le monde, mieux lotis compris...

Y aller ou pas ?

Vu le calendrier électoral, il n’est bien sûr pas impossible que la Banque de France botte en touche le 15 avril. En tant qu’institution indépendante du pouvoir politique, elle pourrait estimer que la proposition d’une nouvelle hausse de rémunération d’un livret détenu par quelque 55 millions de Français soit une carotte électoraliste tendue aux deux finalistes de la présidentielle, et que le contexte de l’entre-deux électoral (en attendant les législatives) invite à la retenue.

A moins de considérer cette hypothèse comme un sophisme. En tant qu’institution indépendante, elle pourrait tout aussi proposer, indépendamment du contexte politique, une nouvelle hausse des taux justifiée par une inflation au plus haut depuis près de 40 ans, laquelle s’est accélérée de 1,6 point en à peine un trimestre. Dans ce cas de figure, le ou la nouvel(l)e locataire de l’Elysée devra trancher avant les élections législatives. Autant dire que dans une campagne assaillie de toute part par la problématique du pouvoir d’achat, une décision populaire sera très tentante…

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