Epargne : Bercy souhaite transformer les LDDS en "Livrets verts"

Epargne : Bercy souhaite transformer les LDDS en "Livrets verts"
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Cette mesure est proposée par le ministère de l'Economie dans le cadre de la préparation de la loi "Industries vertes".

Epargne : Bercy souhaite transformer les LDDS en "Livrets verts"
Crédit photo © iStock

Après les influenceurs, Bruno Le Maire sollicite l’avis des Français sur l’industrie verte. Lancée depuis le début du mois, une consultation publique du ministère de l’Economie sur Make.org invite la population à s’exprimer sur huit propositions qu’il pourrait intégrer à son projet de loi industries vertes.

Ce texte en préparation, dont l’ambition est de « conjuguer protection du climat et réindustrialisation de la France », doit être examiné à l’Assemblée nationale en juin.

Alors que les efforts d’industrialisation et de transition énergétique nécessitent des investissements considérables*, trois des huit propositions de Bercy s’attachent au fléchage de l’épargne des ménages. Et la première présentée, sur laquelle plus de 2.300 personnes se sont déjà exprimées en une semaine - est de « transformer le livret de développement durable et solidaire (LDDS) en un livret vert ».

Un livret, deux "compartiments"

La mesure consisterait à scinder les encours de ce support d’épargne en « deux compartiments » : le premier « correspondrait au LDDS actuel, dont les caractéristiques resteraient inchangées : rendement fixé par l’Etat, garantie sur le capital et les intérêts, liquidité totale pour retirer les fonds ; plafond réglementaire au-delà du quel les versements sont impossibles ».

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Le second, qui serait abondé par un versement complémentaire obligatoire à tout versement sur le premier, « correspondrait à un produit d’épargne financière distribué par les réseaux bancaires » qui financerait « un univers d’investissement large et labelisé par l’Etat, en bénéficiant d’un régime fiscalo-social incitatif », sans plus de précisions données.

Il faut surtout comprendre que le capital de ce 2e compartiment, contrairement au 1er et à celui du LDDS dans sa forme actuelle, ne serait pas garanti, et moins liquide.

Besoin de rendement, nécessité du risque ?

Un peu dans l’esprit de l’assurance vie, l’idée de ce Livret vert serait de prévoir une poche sans risque comme le fonds en euros, et une autre davantage orientée vers la performance, plus rémunératrice, et donc plus risquée, comme les unités de compte.

Le ministère de l’Economie le reconnaît d’ailleurs noir sur blanc : la création de ce support d’épargne répond au besoin d’une « plus grande prise de risque des investisseurs » pour financer la décarbonation de l’économie.

« Dans un univers prudentiel contraint pour les industries financières, une partie de ce risque (et de l’espérance de rendement associée) a vocation à être assumée directement par les épargnants, ce qui est peu compatible avec au moins deux caractéristiques de l’épargne règlementée, que sont sa liquidité totale et son rendement fixé par l’État. »

« Le livret vert permettrait de flécher une partie de l’épargne des Français vers des investissements en faveur de l’industrie verte et, de manière plus large, de la décarbonation de l’économie », explique le ministère.

Pour accélérer cette décarbonation, la concertation publique de Bercy met surtout en avant des solutions d’énergie renouvelable et des technologies « propres » relativement consensuelles (« Je pense à l’hydrogène vert, aux batteries électriques, aux pompes à chaleur ou aux panneaux solaires », cite Bruno Le Maire dans sa présentation vidéo).

Livret vert, financement du nucléaire ?

A contrario, elle reste étonnamment discrète sur le sujet du nucléaire - mentionné qu’une seule et unique fois dans l’ensemble des textes de la concertation en ligne – une discrétion d’autant plus remarquable que le nucléaire constitue la clé de voûte de la nécessaire souveraineté énergétique du pays ainsi que de la politique climat défendue par le président de la République.

Il fait pourtant peu de doutes que la création du Livret vert vise à participer au financement de la relance du nucléaire français ; l’Etat avait déjà reconnu en février qu’il pourrait flécher une partie de l’épargne déposée sur les Livret A (391 Md€ fin février) vers la construction de nouveaux EPR, comme l’avait suggéré la Caisse des Dépôts – qui, grâce au niveau et à la stabilité de ces encours, a la capacité de financer de grands emprunts sur du très long terme.

Mais dans un contexte social pour le moins tendu, toucher au Livret A, LE produit d’épargne populaire par excellence, dont la cote n’a cessé de grimper avec l’inflation, est politiquement risqué. La question de l’affectation des ressources – logement social vs. nucléaire – n’est pas non plus très vendeuse.

En se tournant vers le LDDS, son "petit frère" aux caractéristiques identiques pour l’épargnant (à l’exception du plafond, limité à 12.000€), mais un peu moins connu que le Livret A (24,5 millions de détenteurs tout de même), le gouvernement tente une approche politique plus prudente.

Le "compartimentage" proposé permettrait par ailleurs de faire d’une pierre deux coups : très probablement réserver le financement du nucléaire à la poche au capital garanti, tout en abondant le financement de projets privés avec la seconde poche plus risquée.

Reste à savoir quelle réception publique sera faite de cette proposition. Les Français ont jusqu’au 28 avril pour donner leur avis sur Make.org.

* Le CESE a évalué à 2% à 4% de PIB par an jusqu’en 2050 l’effort d’investissement supplémentaire nécessaire à la transition énergétique et climatique de la France, « avec une valeur basse calculée par rapport au scénario "sobriété" de l’Ademe à 13 milliards d’euros et une valeur haute de 87 milliards estimée par Rexecode. »

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