Tribune de Quentin Petit-Prestoud, conseil patrimonial chez Artémis Courtage Gestion Privée.
Pendant les trois dernières décennies, les épargnants se sont habitués aux caractéristiques presque "magiques" du fonds en euros : capital garanti, disponible et rentable (entre 4 et 5% par an). Pas étonnant dans ce contexte de constater que sur les 1.800 milliards d’euros placés en assurance vie, 1.000 sont investis sur du fonds en euros !
Sur les dix dernières années, le constat est un peu plus triste : les performances de ces fonds ont chuté pour venir concurrencer celles des livrets A et LDDS, et pour cause, les taux d’intérêt sur lesquels ils sont principalement indexés baissaient depuis 10 ans…
En soit, rien d’incohérent, rappelons que l’inflation était beaucoup plus forte à l’époque tout comme le coût du crédit. Le fonds en euros n’a fait que suivre la baisse des taux avec une certaine inertie.
Qu’ont fait les investisseurs ? Ils sont allés chercher du rendement sur d’autres supports, qui eux n’étaient pas garantis : les unités de compte. On ne plus avoir le beurre et l’argent du beurre !
Rassurez-vous, le rendement, le capital garanti et la liquidité existent toujours, ensemble, c’est plus compliqué et il faut souvent faire l’impasse sur l’un des trois, du moins sur un laps de temps, ce qui finalement, n’est qu’une question de bon sens :
Ainsi, si vous cherchez du rendement et une garantie en capital, il faudra accepter un blocage des fonds sur une longue période. À l’inverse, si vous avez besoin de pouvoir disposer de vos fonds rapidement et sans perte, vous devrez miser sur des actifs très peu rémunérateurs (à l’instar du fonds en euros ou du Livret A).
On ne le rabâchera donc jamais assez : le principe fondamental de la construction de son portefeuille doit donc être l’horizon de placement.
Faites l’exercice d’observer une unité de compte sur une période de trois ans glissants, puis cinq ans, puis 8 ans, vous constaterez que le risque de perte diminue de plus en plus avec le temps.
Et maintenant ?
Maintenant que la courbe des taux s’inverse, est-ce que la performance des fonds en euros va suivre ?
La logique voudrait que ce soit le cas, mais n’oublions pas qu’il existe une certaine inertie : Les fonds en euros sont principalement composés d’obligations*, dont les maturités et les rendements sont différents, certaines obligations ont été émises il y a dix ans avec des taux intéressants, d’autres il y a trois ans avec des taux plus faibles.
Si l’on doit schématiser grossièrement le rendement du fonds en euros sur une année précise, on pourrait dire qu’il correspond à la moyenne du rendement de toutes les obligations qui le composent : des vieilles obligations avec un rendement élevé mais également des obligations plus récentes avec un rendement plus faible.
Fin 2021, la performance moyenne du fonds en euros était de 1,30% alors que l’OAT 10 ans (l’obligation de l’Etat Français) était à 0,12%. Il y a donc toujours un décalage entre les taux de l’année en cours et les performances des fonds en euros.
Quid du rendement 2022 ?
Théoriquement, cette inertie devrait clouer au sol les performances pour encore un ou deux ans, mais dans la pratique, ce sont les politiques commerciales des assureurs qui donneront le LA.
Aujourd’hui, la hausse du rendement des livrets d’épargne réglementés (Livrets A et LDDS) pourrait constituer une menace pour l’assurance vie si les performances des fonds en euros ne sont pas à la hauteur. Il est donc très probable que les assureurs s’alignent sur ces rendements afin de rester compétitifs. Une hausse des rendements des fonds en euros est donc probable pour 2022.
*Une obligation est un produit financier que l'on pourrait assimiler à un prêt : Vous prêtez de l'argent à une entreprise qui en contrepartie vous verse des intérêts tous les ans (ce que l'on appelle les coupons). On peut également prêter de l'argent à l'Etat, c'est ce que l'on appelle couramment les "bons au trésor" ou "OAT" !