L’OCDE prône une augmentation des droits des successions pour réduire les inégalités

L’OCDE prône une augmentation des droits des successions pour réduire les inégalités
  • 3

Les impôts sur les transmissions sont un bon moyen de lutter contre les inégalités de patrimoine, estime un rapport de l'OCDE. Mais les exonérations fiscales accordées par les Etats tendent à en réduire largement la portée et l'équité.

L’OCDE prône une augmentation des droits des successions pour réduire les inégalités
Crédit photo © Reuters

Un rapport de l’organisation de coopération et de développement économique – dont les principales conclusions ont été publiées mardi 11 mai - préconise une hausse de la fiscalité sur les droits des successions au sein de ses pays membres pour réduire les inégalités.

L’OCDE constate qu’au sein de ces 37 nations, les inégalités sont aggravées par une « forte concentration des richesses » et une « répartition inégale des richesses », où les successions et donations déclarées par les 20% des ménages les plus riches dans ces Etats sont près de 50 fois supérieures à celles déclarées par les 20% des ménages les plus pauvres.

Taxer les transmissions de patrimoine "élevées"

Afin de réduire ces inégalités, l’organisation internationale préconise le levier de l’impôt sur les successions, « et notamment ceux qui ciblent des niveaux relativement élevés de transmissions de patrimoine ». Selon ses experts, ces prélèvements tendent à générer moins de distorsions que d’autres formes de taxation des personnes fortunées, « et sont plus faciles à établir et à collecter que d’autres formes d’imposition du patrimoine ».

A lire aussi...Comptage

Si aujourd’hui, 24 des 37 pays membres de l’OCDE prélèvent un impôt sur les successions et/ou sur les donations, ces taxes rapportent très peu aux Etats, souligne le rapport : seulement 0,5% des recettes fiscales totales provient des droits de transmissions dans les pays qui en prélèvent.

Exonérations et abattements

Car ces impôts sont bien souvent assortis de dispositifs d’exonération et de réduction de l’assiette fiscale, qui en réduisent considérablement l’impact sur les recettes, et bénéficient par ailleurs aux ménages les plus riches.

« Par exemple, un contribuable a souvent la possibilité de transmettre des sommes importantes hors impôt, car les transmissions à un parent proche bénéficient souvent d’exonérations ou d’abattements importants mais aussi parce que des allégements fiscaux sont applicables à la transmission de certains types d’actifs », note l'organisation internationale.

Etats-Unis : plus de 11 M$ de franchise d’impôt

C’est le cas en France, où les droits de successions et donations bénéficient d’abattements dont le montant varie en fonction du lien de parenté, et où ces prélèvements rapportent moins d’1,5% des recettes de l’Etat.

Les donations entre parents et enfants font ainsi profiter d’une exonération de 100.000€ tous les quinze ans, auquel il est possible d’ajouter un abattement supplémentaire de 31.865€ pour les dons de sommes d’argent réalisés entre un donateur de moins de 80 ans et un descendant (enfant, petit-enfant ou arrière petit-enfant) majeur.

D’un pays à l’autre, le niveau des taux d’imposition et des exonérations accordées est extrêmement variable. La valeur du patrimoine susceptible d’être transmis hors impôt par un parent à ses enfants varie de 17.000$ en Belgique… à plus de 11 millions $ aux États-Unis. Conséquence : dans ce pays, avec un tel niveau de franchise d’impôt, les successions taxées sont très minoritaires : seulement 0,2% des transmissions effectuées le sont, là où en Belgique, 48% sont imposées (les données pour la France ne sont pas disponibles).

Pistes d’amélioration

Pour améliorer la portée, l’efficacité et l’équité de ces impôts, les experts de l’OCDE livrent un certain nombre de pistes de réformes et de préconisations, comme l’importance de maintenir des assiettes fiscales larges (autrement dit de réduire le spectre des exonérations), le fait de cibler le patrimoine reçu par les héritiers plutôt que le patrimoine total transmis par le donateur, ou encore la mise en place d’un impôt ‘à l’échelle d’une vie’ qui "fusionnerait" droits de succession et de donation :

« Cet impôt pourrait être prélevé dès lors que serait franchi un seuil d’exonération fiscale applicable à l’échelle d’une vie, c’est-à-dire un montant de patrimoine que les bénéficiaires seraient en droit de recevoir libre d’imposition au cours de leur vie (donations et héritages compris) », proposent-ils.

Taxation du capital

Enfin, l’OCDE souligne que l’imposition des successions doit être considérée dans le contexte plus large du dispositif fiscal de chaque Etat, pour l’adapter en fonction des niveaux d’inégalité des patrimoines, des capacités administratives des pays, et des autres impôts qui sont prélevés sur le capital des ménages (impôt sur le revenu, intérêts, dividendes et plus-values).

"Aucun instrument fiscal n’est à lui seul suffisant pour collecter suffisamment de recettes et s’attaquer aux inégalités", précise l'organisation. L'instauration d’impôts « bien conçus sur les revenus du capital, notamment sur les plus-values, doit donc également être une priorité », considère-t-elle.

Vers un allègement temporaire de l'impôt en France ?

A Bercy, pourtant, on planche actuellement sur une piste à contrecourant de ces recommandations. Après avoir été durcie sous les présidences Sarkozy et Hollande, la fiscalité des droits de donation pourrait en effet être temporairement assouplie dans le cadre de la relance post-Covid.

Afin de mobiliser une partie de l'épargne accumulée par les Français durant la crise, Bruno Le Maire a indiqué en février qu'il réfléchissait à la mise en place d'un « un système incitatif […] de transferts ou de dons entre générations ».

En mars, il a précisé que la mesure pourrait prendre la forme d'une augmentation supplémentaire de 10.000€ à 20.000€ du plafond d'exonération des droits de donation, laquelle devrait surtout bénéficier aux dons aux petits-enfants et à ceux réalisés entre "parents éloignés", dont les transmissions sont beaucoup plus taxées que celles réalisées entre ascendants et descendants directs.

Les donations concernent une minorité de Français

En France, les donations ne concernent qu’une minorité de ménages, dont le patrimoine et les revenus sont supérieurs à la moyenne nationale, selon une récente enquête de l’Insee. D’après l’Institut national de la Statistique, au début de l’année 2018, seuls 18% des ménages avaient déjà bénéficié d’une donation au cours de leur vie, et seuls 8% en avaient déjà fait une. Et dans leur grande majorité (87%), ces transmissions sont réalisées entre parents et enfants.

L'Insee avait déjà réalisé cette même enquête en 2010 : En huit ans, l'écart entre le niveau de patrimoine des ménages concernés par les donations et celui de la moyenne des ménages français est resté stable, mais le bénéfice de ces donations s'est déporté au profit des plus aisés, et au détriment des plus modestes

©2021-2024
L'Argent & Vous

Plus d'actualités Epargne

Chargement en cours...

Toute l'actualité