Frais bancaires de succession : le Sénat vote leur plafonnement

Frais bancaires de succession : le Sénat vote leur plafonnement
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A l'occasion de l'examen de la proposition de loi "tendant à renforcer la protection des épargnants", les sénateurs ont voté mardi en faveur de l'encadrement de ces frais, depuis longtemps dénoncés par les associations de consommateurs.

Frais bancaires de succession : le Sénat vote leur plafonnement
Crédit photo © iStock

Déposé par Hervé Maurey, sénateur de l’Eure, un amendement à la proposition de loi « tendant à renforcer la protection des épargnants » encadrant les frais bancaires de succession a été adopté hier en séance à l’unanimité, et contre l’avis du gouvernement.

Le texte de M. Maurey prévoit de supprimer tout frais en cas de clôture d’un compte bancaire inférieur à 5.000€, et de limiter ces frais à 1% du montant total des sommes détenues par l’établissement au-delà, dans la limite d’un plafond fixé par arrêté.

Les frais appliqués par les banques lors de la succession de défunts pour la clôture ou le transfert de leurs comptes bancaires sont depuis longtemps dénoncés par les associations de consommateurs.

Des frais excessifs dénoncés par les associations de consommateurs

Estimés à 233€ en moyenne en France pour un héritage de 200.000€, et représentant une manne d’au moins 150 millions d’euros pour les banques, selon l’UFC-Que Choisir, ces frais « sont souvent excessifs et injustifiés », explique le sénateur dans la présentation de son amendement.

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« L’hétérogénéité des tarifs appliqués selon les établissements [certains, par exemple, appliquent un montant forfaitaire pouvant atteindre 300€, NDLR], la facturation de prestations gratuites du vivant du client, ou encore leur forte hausse ces dernières années démontrent que ces frais sont déconnectés de toute réalité économique », souligne M. Maurey, qui avait déjà déposé une proposition de loi en ce sens l’année dernière.

Les pratiques abusives des frais de succession bancaires ont fait l’objet de plus d’une trentaine de questions au gouvernement ces dix dernières années, sans aboutir jusqu’à présent à leur encadrement.

La direction du Trésor avait aussi recommandé en 2021 que le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) travaille sur le sujet, préconisant davantage de transparence dans l’application de ces frais.

Un amendement non soutenu par l’exécutif

« Face aux dérives observées, le Ministre de l'économie et des finances avait indiqué en réponse à une question écrite de l’auteur du présent amendement avoir initié en février 2021 des travaux avec le secteur bancaire pour faire évoluer ces pratiques indiquant que "le Gouvernement demeur[ait] à ce titre déterminé à ce qu'une solution soit rapidement dégagée". En outre par courrier daté 2 septembre, il s’était engagé à faire évoluer les pratiques des banques en la matière d’ici le début de l’automne 2022 », rapporte le sénateur de l’Eure.

« Je me félicite de l’adoption de cet amendement qui doit mettre fin aux pratiques particulièrement choquantes de certaines banques comme l’application de frais exorbitants pour la simple fermeture d’un compte bancaire, opération pourtant gratuite du vivant du client. Le Gouvernement n’a pas souhaité agir. Les banques ont refusé d’encadrer elles-mêmes leurs pratiques en la matière. Le législateur se doit de remettre de l’ordre », déclare M. Maurey dans un communiqué de presse diffusé à l’issue de la séance.

Les sénateurs ont également adopté un autre amendement quasi-identique, déposé par la sénatrice de l’Aube, Vanina Paoli-Gagin, qui précise que le seuil des 5.000€, en dessous duquel aucun frais ne serait appliqué, s’entend hors bien immobiliers.

Assurance vie : l’interdiction des commissions de rétrocessions attendra

Concernant les autres mesures de la proposition de loi – qui prévoit un ensemble de dispositions visant à permettre aux épargnants « de pouvoir faire un choix plus éclairé dans leurs décisions d’investissement comme dans leurs choix de produits », tels que l’assurance vie, les sénateurs ont procédé à quelques ajustements : l’article 1 relatif à l’interdiction des commissions de mouvement pratiquées sur les unités de compte, a été supprimé, dans la mesure où cette interdiction est déjà inscrite dans le règlement général de l’Autorité des marchés financiers à compter de 2026.

L’interdiction des commissions de rétrocession a par ailleurs été rejetée sur proposition du gouvernement : « Si un plus grand encadrement de certaines rétrocessions peut être nécessaire, celui-ci doit faire l’objet d’un examen approfondi et d’une étude d’impact exhaustive vu les implications potentielles sur le modèle de distribution français, qui offre une gratuité du conseil et une accessibilité des ménages à l’épargne financière depuis un large réseau d’agences », a justifié l’exécutif.

Des obligations d’informations renforcées pour les fonds en euros

Un autre amendement du sénateur Hervé Maurey, étendant les obligations d’informations sur les frais aux fonds en euros (et pas seulement aux unités de compte) a pour sa part reçu le feu vert des sénateurs. Les assureurs seraient ainsi obligés de communiquer annuellement sur leur site Internet « le rendement garanti moyen, le taux moyen de frais prélevé par l’entreprise, le rendement net moyen servi à l’assuré, le taux des taxes et prélèvements sociaux, et le taux moyen de la participation aux bénéfices attribué pour chacun de ses contrats d’assurance vie ou de capitalisation, ainsi que l’éligibilité de ces contrats aux affaires nouvelles. »

Le Sénat a également voté l’obligation pour les assureurs de transmettre aux épargnants un récapitulatif annuel des frais supportés pour leurs contrats d’assurance vie et de capitalisation, comme pour les comptes bancaires.

Pas de prolongation de l’avantage fiscal pour transfert d’une assurance vie vers un PER

Enfin, la prolongation du coup de pouce fiscal exceptionnel pour le transfert d’un contrat d’assurance vie vers un PER n’a pas été retenue. Dans le contexte de la réforme des retraites actuelle, la mesure « pourrait être vue comme préemptant un débat bien différent de celui abordé dans le cadre de la présente proposition de loi », ont considéré les sénateurs, qui ont voté trois amendements en ce sens (groupe Socialiste, Ecologiste et Républicains, groupe CRCE, commission des Finances).

Le texte est encore loin de connaître sa version définitive, alors qu’il n’a pas encore été examiné par l’Assemblée nationale à la composition politique plus bariolée que celle du Sénat. Avec le soutien des Républicains, le plafonnement des frais bancaires de succession a toutefois des chances de passer.

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