Bourse : la majorité des plaintes reçues par l’AMF émanent de brokers chypriotes

Bourse : la majorité des plaintes reçues par l’AMF émanent de brokers chypriotes
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Petit paradis européen des courtiers en produits dérivés, Nicosie est surreprésentée parmi les plaintes de particuliers victimes de brokers aux pratiques commerciales peu scrupuleuses.

Bourse : la majorité des plaintes reçues par l’AMF émanent de brokers chypriotes
Crédit photo © Reuters

Un rapport publié cette semaine par l’Autorité des marchés financiers montre que 60% des plaintes d’épargnants reçues par ses services ces deux dernières années à l’encontre de sociétés d’investissement étrangères concernaient des établissements enregistrés à Chypre.

221 signalements et réclamations ont été formulés à l’AMF entre 2019 et 2020 pour une perte totale de 3,3 millions d’euros, soit une moyenne de 33.548€ par épargnant.

141 de ces plaintes se rapportaient à des sociétés immatriculées à Chypre, les autres émanant du Royaume-Uni, de l’Union européenne et d’une dizaine d’entités situées en dehors de l’Espace économique européen (Saint-Vincent et les Grenadines, Australie, Bermudes, îles Caïman).

Ces plaintes visent des sociétés n’ayant pas établi de succursale agréée en France. Non supervisées par l’AMF mais par l’autorité nationale du pays où est implanté leur siège social, ces entités utilisent des pratiques commerciales beaucoup moins protectrices des droits des consommateurs que celles des établissements régulés en France.

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Les CFD dans le viseur

Plus précisément, le rapport souligne que « l’analyse de ces signalements et réclamations met en lumière une forte commercialisation de produits financiers complexes et à haut risque comme les CFD. Parmi les sous-jacents les plus souvent proposés, les CFD sur le Forex sont les plus représentés ».

Les plaintes relatives à ces courtiers en produits dérivés concernent pour l’essentiel des démarches commerciales agressives (24%), telles que « des appels répétés et/ou non sollicités, des incitations à investir, des promesses de gains rapides », mais aussi des problèmes d’exécution d’ordres (18%) - soit parce qu’ils n’ont pas été pris en compte, soit car ils ont été ignorés - ainsi que des incidents de clôture de compte (19%), les plaignants rapportant leur difficulté, voire le refus d’accéder à leur demande de fermeture.

Redirections de comptes hors Europe

Les autres sujets de réclamation concernent aussi des redirections de compte vers des brokers établis en dehors de l’EEE non autorisés à fournir des services en France. « Dans la majorité des cas, les épargnants indiquent avoir été redirigés vers une filiale extra-européenne du prestataire avec lequel ils avaient entretenu une première relation contractuelle. Ainsi, des particuliers pensant réaliser des investissements auprès d’un prestataire européen agréé se retrouvent à leur insu redirigés vers des entités de pays tiers auprès desquelles ils ne bénéficient plus des protections offertes par le droit européen ». Ces brokers, dont l'activité est d'ailleurs interdite en France, donnent surtout accès à des instruments très risqués, sans limite de pertes, et avec des effets de levier particulièrement élevés.

La surreprésentation du Chypre dans ces signalements n’est pas un hasard : la république insulaire offre aux sociétés financières une régulation beaucoup plus souple que celles de la plupart des autres pays de l'UE. Même un courtier d'importance comme eToro, dont le siège social est établi en Israël, a choisi d'être régulé par la Cyprus Securities and Exchange Commission pour proposer ses services de courtage en Europe.

Régulation française

Depuis leur arrivée en France en 2007, la pratique des CFD a été fortement encadrée. L’AMF impose aujourd’hui aux courtiers français des conditions de commercialisation assez drastiques. Constatant les dégâts qu’un effet de levier de 200 pouvait entraîner auprès des traders amateurs, leurs niveaux ont été plafonnés en 2018 : l’effet de levier d’un CFD en France ne peut pas dépasser 30 ou 20 pour les véhicules adossés au forex, 20 ou 10 pour les indices et matières premières, 5 pour les actions et 2 pour les crypto-actifs. Quant aux fonds des épargnants, ceux-ci doivent par ailleurs être sécurisés sur des comptes ségrégés.

Le ticket d’entrée est aussi relativement haut. Pour ouvrir un compte CFD auprès d’un broker français, les épargnants doivent justifier de revenus réguliers, à des niveaux de salaire supérieurs à la moyenne, complétés d’une certaine épargne liquide (hors immobilier). Plus les revenus du client seront faibles, plus ce niveau d’épargne exigé sera bien sûr élevé. Il est ainsi très fréquent qu’un courtier exige plusieurs dizaines de milliers d’euros de sécurité à des clients potentiels. Et faute de pouvoir justifier d’un tel niveau de liquidité, beaucoup d’entre eux se voient refuser l’ouverture d’un compte.

Jeunes traders

Problème : « Les profils refusés vont souvent se tourner vers des acteurs étrangers offrant de moindres barrières à l’entrée. Or, beaucoup de ces brokers n’offrent aucune garantie de protection des fonds investis », témoigne une source d’un courtier de la place parisienne. Les épargnants aux revenus les plus faibles – et les plus jeunes – sont donc davantage susceptibles de s’exposer à ces acteurs peu scrupuleux, voire à des arnaques.

Pour s’assurer du sérieux d’un courtier, il est possible de consulter le site Regafi.fr afin de savoir si ce dernier est certifié par l’AMF. A noter que cette certification ne signifie pas forcément que le broker est soumis aux règles françaises. Cette certification apporte cependant la garantie qu’il est régulé par une autorité nationale compétente dans l’espace européen et que les fonds des clients sont sécurisés.

La liste noire de l’AMF des sociétés et sites non autorisés en France permet aussi de s’enquérir des entités à fuir absolument : ceux-ci sont rangés en quatre catégories : options binaires, forex, cryptos, et "biens divers".

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