Changement d’assurance emprunteur : quel bilan ?

Changement d’assurance emprunteur : quel bilan ?

Astrid Cousin, porte-parole du courtier en assurance emprunteur Magnolia.fr

Changement d’assurance emprunteur : quel bilan ?
Crédit photo © Magnolia

Le 22 février 2017, le droit annuel à la résiliation des contrats d’assurance emprunteur est apparu grâce à un amendement, celui du sénateur Martial Bourquin. L’amendement Bourquin avait pour objectif d’ouvrir le marché de l’assurance emprunteur, détenu d’une main de fer par les banques, mais surtout de redistribuer du pouvoir d’achat aux français. Seulement, tous étaient loin d’imaginer la bataille entre les banques et les professionnels de l’assurance pour conserver ce marché très juteux.

Possibilité de résiliation annuelle

Depuis le 1er janvier 2018, tous les emprunteurs peuvent changer annuellement de contrat d’assurance, à date d’anniversaire du contrat. Dans le contexte du marché français, cela signifie surtout que tous les emprunteurs ayant souscrit au contrat d’assurance groupe de leur banque peuvent résilier leur contrat au profit d’une « délégation d’assurance ». Ce n’est pas la première fois que la législation se range du côté de l’ouverture du marché à la concurrence : en 2010, la loi Lagarde a donné à l’emprunteur la liberté de choisir l’assurance de prêt qu’il souhaite. En 2014, voyant que la loi Lagarde était difficilement applicable à cause de la pression bancaire auprès de l’emprunteur au moment de l’octroi du prêt, monsieur Hamon a voulu autoriser la résiliation du contrat durant sa première année. Belle initiative, mais 11 mois et demi ça passe vite, surtout après l’achat d’un bien.

C’est dans ce contexte que l’amendement Bourquin a vu le jour. Voyant que ces différentes propositions n’avaient pas bousculé d’un iota le marché et que les banques détenaient toujours 85% d’un marché à 9 milliards d’euros en proposant des tarifs souvent 2 fois supérieurs à ceux de la concurrence, le sénateur a décidé de frapper fort avec ce droit annuel à la résiliation. Malgré une tentative de la Fédération Bancaire Française d’annuler la mise en place de cette loi en invoquant son anti-constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a validé sa mise en application.

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Date anniversaire

Un vide législatif de cet amendement a cependant rendu la tâche compliquée pour les courtiers en charge de gérer les résiliations à la place de l’emprunteur. La date d’anniversaire à laquelle il est possible de résilier n’étant pas précisée, chaque établissement bancaire a pu, pendant plus d’un an, choisir la date qu’il souhaitait. Le Comité Consultatif du Secteur Financier a réagi et a finalement imposé une seule date : celle de la signature de l’offre de prêt.

Bras de fer

Une autre difficulté, et non des moindres : l’absence de réponse des banques suite aux courriers de résiliation. Chez Magnolia.fr, c’est le cas pour 30% des envois. Dans ce cas-là, il faut s’armer de patience mais surtout d’une équipe dont l’unique travail sera de relancer les établissements, par téléphone, par mail, par courrier : tous les moyens sont bons. Une perte de temps, d’énergie, mais aussi d’argent simplement à cause d’une stratégie visant à mettre des bâtons dans les roues à ceux qui souhaitent profiter de leur droit. Une fois la réponse obtenue, le combat n’est pas terminé. Apparaît alors la mauvaise foi des banques refusant les demandes de résiliation pour des motifs totalement illégitimes : une pièce manque au dossier, le délai de préavis de 2 mois n’est pas respecté, les garanties ne sont pas équivalentes, l’assureur choisi ne leur convient pas… Dans 90% des cas, le motif est faux et le dossier est parfaitement conforme. S’en suit alors de très nombreux échanges jusqu’à ce que la banque avoue s’être trompée. Encore du temps de perdu et l’emprunteur démotivé se demande s’il a bien fait de se lancer dans de pareilles aventures. Suite à de très nombreuses dénonciations auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), celle-ci s’est chargée de sanctionner une banque… mais sans amende et sans la nommer. De quoi conforter tous les établissements bancaires dans leurs pratiques.

Une proposition de loi pour aller plus loin

Nous sommes dans un système ou lorsque les lois ne sont pas bien appliquées, quelqu’un se charge d’écrire des lois visant à le faire… Et c’est ainsi que le sénateur Bourquin a présenté devant le sénat son nouveau projet de loi s'inscrivant dans la continuité de son amendement. En quelques mots, il fixe la date de résiliation annuelle, il impose aux banques d’informer ses clients chaque année de leur droit de résiliation sous peine d’une amende de 15.000 euros et il demande un rapport annuel de l’état de la concurrence sur le marché de l’assurance emprunteur. Pour le moment, seul le Sénat l’a validé. Nul ne sait quand il passera devant l’Assemblée.

En attendant, cette proposition de loi redonne espoir aux professionnels du crédit et de l’assurance qui se battent chaque jour pour que les banques acceptent les résiliations de leurs clients. Il va sans dire que dans un contexte de taux de crédit très bas, les tensions entre banques et intermédiaires sont vives et le bras de fer concernant l’assurance emprunteur est très loin d’être terminé. Concernant ce sujet, l’ACPR n’exerce pas encore sérieusement son rôle de régulateur, les sanctions administratives sont très difficilement applicables et les banques prêteuses, en manque de marge sur le crédit, continuent leur manège. Une seule solution s’offre aux courtiers : conseiller leurs clients, les accompagner, ruser, anticiper les réactions des banques et ne compter que sur soi-même.

Beaucoup moins de refus

Il est tout de même important de noter que certaines manœuvres portent leurs fruits : depuis le passage de l’amendement Bourquin, chez Magnolia.fr, nous sommes passés de 72% de refus à 5% et, à ce jour, 10.000 emprunteurs ont pu changer de contrat et récupérer ainsi 80 millions d’euros de pouvoir d’achat. Au-delà de l’ouverture du marché à la concurrence qui semble difficile, le pari de redistribuer du pouvoir d’achat aux français est bel et bien tenu.

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Astrid Cousin

Le parcours d'Astrid Cousin

Porte-parole, Magnolia.fr

Astrid Cousin a intégré le courtier en assurance emprunteur Magnolia.fr en 2017. Elle est porte-parole de Magnolia.fr et est spécialisée depuis 5 ans dans l'analyse du marché de la distribution de produits bancaires et assuranciels. Aujourd'hui experte en assurance emprunteur, elle appréhende et analyse les enjeux comme les tendances spécifiques à la délégation d'assurance.

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