Successions : en France, déshériter un enfant est difficile

Successions : en France, déshériter un enfant est difficile
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Dans le droit français, les enfants ont la qualité d’héritiers réservataires. Ce qui signifie qu’une part minimale du patrimoine du défunt doit leur revenir. Explications…

Successions : en France, déshériter un enfant est difficile
Crédit photo © Reuters

Peut-on oui ou non déshériter un enfant ? La question a été remise en lumière par la succession (qui s’annonce houleuse) de Johnny Hallyday.

Avant d’entrer dans les détails du droit français, précisons déjà que le cas Johnny Hallyday est un peu à part. Le point critique porte sur le droit applicable : le droit californien ou le droit français. Cette question devra être tranchée au vu de divers éléments, notamment le lieu de résidence habituel du chanteur.

Résoudre ce préambule sera dans ce dossier essentiel, car dans le droit californien, il est tout à fait possible de déshériter un enfant. En France, les choses sont en revanche un peu plus compliquées.

Le principe de la réserve héréditaire

Lorsqu’une personne décède, ses enfants (y compris adultérins) ont la qualité d’héritiers réservataires. Cela signifie qu’une part minimale de la succession doit leur revenir (la réserve héréditaire).

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La réserve correspond à la moitié du patrimoine s’il n’y a qu’un enfant, aux deux tiers du patrimoine avec deux enfants et aux trois quarts de la succession à partir de trois enfants.

Précisons que si un enfant est prédécédé, ses propres enfants ont droit à la part qui lui aurait été attribuée. On dit alors qu’ils viennent en représentation.

Atteinte à la réserve

Si un héritier réservataire s’estime lésé, il peut engager une action en réduction pour faire valoir ses droits et être indemnisé (en valeur). La procédure peut viser d’autres enfants ou des tiers. Elle peut aussi concerner le conjoint, par exemple si un enfant né d’une précédente union estime que les avantages matrimoniaux accordés au conjoint ont porté atteinte à sa réserve.

Le contournement par l’assurance-vie

On le voit, en France, les enfants sont clairement protégés lors d’une succession. Même lorsque le défunt leur laisse moins que leur réserve, ils ont les moyens de faire valoir leurs droits.

Il existe malgré tout une façon de contourner ces règles, en ayant recours à l’assurance-vie. Les articles 132-12 et 132-13 du code des assurances précisent en effet que le capital versé lors du décès du contractant n’entre pas dans la succession et ne peut donc être pris en compte dans le calcul de la réserve.

Imaginons une personne ayant un enfant et 1 million d’euros de patrimoine (sans assurance-vie). En cas de décès, l’enfant devra recevoir au moins 500.000 euros. Avec 500.000 euros du patrimoine placé en assurance-vie, la réserve de l’enfant ne sera en revanche que de 250.000 euros.

Des garde-fous

Une personne pourrait-elle alors placer tout son patrimoine en assurance-vie dans le but de déshériter un enfant ?

Là encore, il existe des limites. Un héritier réservataire s’estimant lésé peut invoquer des « primes manifestement exagérées » pour faire réintégrer ces primes dans le calcul de sa réserve. Il s’agit alors ici de déterminer si les primes versées étaient ou non en rapport avec les capacités financières du défunt.

Enfin, l’assurance-vie suppose un aléa. Or l’absence de caractère aléatoire pourrait également être dénoncée dans certains cas, par exemple l’ouverture et l’alimentation d’un contrat par une personne se sachant malade et condamnée à très court terme.

Un enfant pourrait ici invoquer une volonté manifeste de contourner les règles successorales et faire réintégrer les sommes en question dans le calcul de la succession.

En résumé

Si le droit français permet de désavantager un enfant, il offre toutefois de fortes protections aux descendants. Ceci ne vaut évidemment que si la succession comporte des biens. En cas d’enfants communs, le contrat de mariage peut en effet prévoir une attribution intégrale au conjoint survivant. Dans ce cas, les enfants ne peuvent alors prétendre à une part successorale qu’au décès du second parent.

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