Assurance-vie : « ne négligez pas la clause bénéficiaire »

Assurance-vie : « ne négligez pas la clause bénéficiaire »

Marie-Hélène Poirier, directeur juridique et fiscal, SwissLife France

Assurance-vie : « ne négligez pas la clause bénéficiaire »
Crédit photo © Swiss Life

Le ministre des Finances a récemment annoncé une modification de la fiscalité des successions en matière d’assurance-vie. Quels changements cela va-t-il induire ?

Le ministère des Finances veut revenir sur ce qu’on appelle la réponse ministérielle Bacquet, qui concerne le traitement des contrats non dénoués souscrits par un époux marié sous le régime de la communauté au décès de son conjoint. Actuellement, au décès du premier des deux époux, les héritiers devraient régler des droits de succession sur la moitié du contrat non dénoué. Michel Sapin a dit vouloir revenir sur ce principe. Mais pour l’instant, cette annonce peut être interprétée de différentes manières. Va-t-on simplement différer la taxation au décès du second époux ? Va-t-on opter pour la voie médiane en faisant tomber la valeur du contrat dans la succession mais pas dans l’assiette fiscale ? Va-t-on en profiter pour revoir la doctrine à la fois sur le plan civil et sur le plan fiscal ? Nous attendons la position de l’administration qui permettra de clarifier l’annonce du ministre.

En matière d’assurance-vie et de succession, les professionnels insistent souvent sur la clause bénéficiaire. Pourquoi cette clause est-elle si importante ?

Il est indispensable de ne pas négliger la clause bénéficiaire. Elle est d’abord un outil essentiel pour prévenir le risque de déshérence ou de confusion en cas de disparition du souscripteur. Par exemple, les bénéficiaires désignés peuvent avoir des homonymes ou une bénéficiaire peut être difficile à identifier si elle n’est pas désignée par son nom de jeune fille. Il faut donc être très précis dans la rédaction en indiquant notamment, outre le nom et les prénoms, la date et le lieu de naissance et l’adresse des bénéficiaires.

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Une bonne rédaction peut aussi permettre d’éviter certains pièges. Lorsque l’on désigne un conjoint sans plus de précision, veut-on parler de celui qui a le statut de conjoint au moment de la rédaction de la clause ou de celui qui aura ce statut au moment du décès du souscripteur du contrat ? Là encore une rédaction précise peut faciliter l’identification.

Et pour les personnes en concubinage ou pacsées ?

Pour des concubins, il est nécessaire de désigner le bénéficiaire par son nom car le concubin n’a pas de statut juridique et la preuve peut être difficile à apporter. Bien entendu, il ne faut pas oublier d’actualiser la clause en cas de séparation.

Pour les couples pacsés, on peut désigner le bénéficiaire par son nom ou par la formule « mon partenaire de pacs ». L’important ici est de prévoir un mariage éventuel à la suite du pacs en précisant que le bénéficiaire sera le conjoint en cas de mariage.

Dans la pratique, la désignation des enfants soulève aussi de nombreuses questions…

Effectivement. Si l’on inscrit « mes enfants (nés ou à naître) », la clause tiendra compte des éventuelles naissances à venir. En revanche, le fait d’indiquer « mes 3 enfants » ou de les désigner nommément  peut créer des cas d’exclusion. Il est également important de désigner « les enfants vivants ou représentés ». Ainsi, si un enfant disparaît, ses propres enfants pourront être à leur tour bénéficiaires du contrat. Ce transfert est prévu dans le droit des successions mais pas dans l’assurance-vie.

Faut-il prendre des précautions particulières pour un contrat souscrit au nom d’un enfant mineur ?

Il n’y a ici aucune marge de manœuvre. La clause ne peut désigner que les héritiers des enfants qui détiennent le contrat.

Reste le cas où le bénéficiaire souhaité n’est pas un membre de la famille…

Il convient simplement d’être le plus précis possible dans la description pour permettre l’identification de la personne. Il faut aussi anticiper et prévoir le pire. Il est par exemple très important de ne pas oublier les bénéficiaires de second rang, c’est-à-dire ceux qui bénéficieront du capital en cas de disparition prématurée des bénéficiaires de premier rang. C’est un moyen supplémentaire de prévenir le problème des contrats en déshérence.

Beaucoup d’assurés semblent négliger la clause bénéficiaire par manque d’information ou par crainte des démarches à effectuer. Est-il compliqué de faire enregistrer ou de modifier une clause bénéficiaire ?

Un simple courrier à son assureur suffit. L’assuré doit uniquement veiller à bien traduire sa volonté. Je précise également qu’il est possible d’actualiser plusieurs fois une clause bénéficiaire. Cela est même conseillé. Et bien entendu, je rappelle que la démarche n’engendre aucun frais.

Les assureurs ont de nouvelles obligations en matière de recherche des bénéficiaires de contrats d’assurance-vie. Quel bilan tirez-vous de ce nouveau cadre ?

Depuis la loi du 17 décembre 2007 les entreprises d’assurance ont l’obligation de s’informer du décès éventuel de leurs assurés notamment via leurs organismes professionnels, lesquels ont été autorisés à consulter le Répertoire national d’identification des personnes physiques de l’Insee (« RNIPP »). Il s’agit du dispositif  Agira 2, rendu opérationnel depuis début 2009. La loi du 26 juillet 2013 est venue préciser que cette recherche devait être conduite au moins une fois par an. La possibilité d’interroger le registre des personnes disparues a constitué un progrès considérable qui a permis de faire avancer de manière conséquente le secteur sur les contrats en déshérence.

Enfin, certains assurés l’oublient ou ne le savent pas, mais les particuliers peuvent eux aussi agir pour aider à l’identification des bénéficiaires de contrats non réclamés.

De quelle manière ?

Toute personne qui pense être bénéficiaire d’un contrat peut interroger l’Agira (il s’agit du dispositif Agira 1). La demande est alors transmise à l’ensemble du marché pour vérifier si le demandeur est effectivement désigné par un contrat au nom de l’assuré.

Cette possibilité n’est malheureusement pas assez connue. De notre côté, nous la signalons sur notre site et proposons même d’effectuer directement des recherches dans nos fichiers pour gagner du temps.

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Marie-Hélène Poirier

Le parcours de Marie-Hélène Poirier

Directeur juridique et fiscal, SwissLife France

Docteur en droit, Marie-Hélène Poirier est directeur juridique et fiscal et secrétaire général de SwissLife France. Elle intervient par ailleurs comme enseignante à l'IAP-Paris Dauphine et comme professeur affilié au Skema-Sophia Antipolis.

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