Assurance-vie et transfert : un sujet qui soulève de nombreuses questions techniques

Assurance-vie et transfert : un sujet qui soulève de nombreuses questions techniques

Le transfert d’un contrat serait beaucoup plus complexe que celui d’un produit normé comme le PEL ou celui d’un compte ne recueillant que des espèces. Explications…

Assurance-vie et transfert : un sujet qui soulève de nombreuses questions techniques
Crédit photo © Creative Commons / Ken Teegardin

Faut-il autoriser le transfert des contrats d’assurance-vie ? Le sujet est actuellement au cœur de l’actualité. Et si Bercy reste opposé à cette idée, les défenseurs de la mobilité se font de plus en plus entendre.

En tout cas, force est de constater que le sujet est complexe sur un plan technique. De fait, l’assurance-vie n’est pas un produit standardisé dans la mesure où chaque assureur dispose de ses propres contrats et supports. Autoriser le transfert nécessiterait donc de répondre au préalable à plusieurs questions.

1. Le transfert du contrat

Transférer un contrat (c’est-à-dire l’enveloppe) serait concrètement impossible, les modes de fonctionnement n’étant pas les mêmes d’un établissement à l’autre. Ainsi, on peut imaginer que le transfert reviendrait plutôt à ouvrir un nouveau contrat et à fermer l’ancien. Bien entendu, il conviendrait de mettre en place une procédure adéquate afin de garantir la sincérité du transfert et de permettre in fine à l’assuré de conserver l’antériorité fiscale du contrat initial.

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De ce fait, plusieurs experts du secteur estiment qu’il serait plus juste de parler de « portabilité » du contrat.

2. Le transfert des supports

Une autre difficulté concerne les supports logés au sein du contrat (c’est-à-dire ce que contient l’enveloppe). Là encore, l’offre n’est pas la même chez tous les assureurs. Difficile dans ces conditions d’envisager un transfert effectif des fonds en euros ou des unités de comptes souscrits par l’assuré.

De surcroît, un transfert n’aurait pas de sens dans la mesure où les actifs n’appartiennent pas à l’assuré. Ce dernier dispose simplement d’une créance vis-à-vis de l’assureur, lequel constitue une réserve (la provision mathématique) à hauteur de ses engagements. Les actifs sont acquis par l’assureur pour asseoir (et faire fructifier) sa provision mathématique et restent de ce fait la propriété de l’assureur.

Autrement dit, l’unique solution envisageable consisterait à transférer la contrepartie en euros de la valeur du contrat de l’assuré afin que ce dernier puisse ensuite souscrire de nouveaux supports chez son nouvel assureur. Ici aussi, une procédure encadrée serait nécessaire pour s’assurer du transfert intégral de la valeur du contrat et éviter les abus.

3. La question de la valeur

Jusqu’ici, les choses peuvent apparaître assez simples et logiques. Le sujet devient en revanche plus ardu lorsqu’il s’agit d’aborder la question de la valeur du transfert, notamment pour les fonds en euros. C’est d’ailleurs le sujet qui fait le plus débat chez les professionnels.

Imaginons, qu’un assureur ait inscrit une provision mathématique de 1.000 euros pour son client mais que les actifs servant de garantie soient valorisés 1.100 euros au moment du transfert.

Faudrait-il opérer le transfert sur la base de 1.000 euros ? Dès lors, l’assuré perdrait une partie de la performance accumulée grâce à son placement. Faudrait-il au contraire prendre en compte l’intégralité ou du moins une partie de la plus-value de l’assureur ? Dans ce cas, l’assuré devrait aussi accepter de prendre une part des éventuelles moins-values. Le débat reste ouvert.

4. Le maintien du compteur fiscal

Le dernier défi concerne le compteur fiscal de l’assuré. Rappelons en effet que l’intérêt principal du transfert serait de permettre à l’assuré de ne pas repartir de zéro sur le plan fiscal. Or cette antériorité fiscale ne dépend pas uniquement de la date d’ouverture du contrat.

Prenons l’exemple d’un assuré souhaitant transférer un contrat de 12.000 euros, composé de 10.000 euros de versements et de 2.000 euros de gains cumulés au fil de l’eau. En changeant d’assureur, il serait contraint d’effectuer une nouvelle souscription (voir ci-dessus). Or, du point de vue de la comptabilité du nouvel assureur, l’opération reviendrait à enregistrer un versement de 12.000 euros (avec aucun gain). Autrement dit, un rachat effectué quelques jours plus tard exonérerait l’assuré de toute fiscalité (en dépit d’un cumul de gains historiques de 2.000 euros).

En cas de transfert, les assureurs devraient donc être en mesure de reprendre l’historique des gains de l’assuré au travers d’un « compteur fiscal spécifique » faisant apparaître la totalité des gains (depuis le contrat initial) mais aussi les dates de versements (avant/après septembre 2017, avant/après 70 ans).

Rappelons en effet que la fiscalité des rachats dépend désormais de la date des versements et que celle des transmissions diffère selon l’âge auquel le souscripteur a versé. C’est à cette condition que l’assuré pourrait bénéficier d’une véritable reprise de son antériorité fiscale.

En résumé

Bien que souhaitée par de nombreux professionnels et allant dans le sens d’une plus grande mobilité des épargnants, la transférabilité des contrats d’assurance-vie ne serait pas simple à mettre en place. Elle nécessiterait d’apporter des réponses aux quatre défis techniques évoqués ci-dessus, notamment via la mise en place de procédures encadrées et de systèmes d’échanges de données entre assureurs. D’où l’importance pour les partisans du transfert de présenter un projet abouti s’ils veulent convaincre l’exécutif.

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