Délai de rétractation et droit de préemption : attention à ne pas bloquer davantage les transactions immobilières !

Délai de rétractation et droit de préemption : attention à ne pas bloquer davantage les transactions immobilières !

Allonger la faculté de réflexion de l’acquéreur pendant toute la période de l’état d’urgence sanitaire pourrait bloquer toute la chaîne immobilière…

Délai de rétractation et droit de préemption : attention à ne pas bloquer davantage les transactions immobilières !
Crédit photo © Reuters

La fameuse ordonnance publiée la semaine dernière autorisant la prorogation des délais administratifs et l'adaptation des procédures pendant la période d'urgence sanitaire n’a pas fini de faire couler de l’encre. Le secteur immobilier est particulièrement concerné et susceptible de connaître des blocages majeurs. On l’a déjà vu avec la construction de logements mais les transactions de logements existants pourraient aussi en pâtir.

Délai de rétractation

En cause principalement, le délai Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) permettant à l’acquéreur signataire d’une promesse de vente ou d’un compromis de se rétracter dans les 10 jours, se prorogerait jusqu’à début juillet pour toutes les promesses signées depuis début mars. Autrement dit, tout acquéreur pourrait se rétracter quand bon lui semble pendant au moins 3 mois…

Quelle période critique ?

« Le texte de cette ordonnance vise essentiellement à protéger les personnes qui n’ont pu s’exprimer pendant la période de l’état d’urgence sanitaire (période critique), alors qu’ils étaient tenus par des délais légaux », tient à clarifier Eric Allouche, Directeur exécutif du réseau d’agences immobilières ERA France. Il est important en premier lieu de de bien définir ce délai : « sauf prorogation ultérieure, la période critique s’étend en l’état du 12 mars au 25 juin 2020 et devrait donc avoir cessé à compter du 26 juin 2020. Seuls sont donc concernés les délais arrivant à terme pendant cette période et non pas ceux prenant fin avant ou après celle-ci », souligne Eric Allouche.

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A trop protéger, on pénalise !

Mais alors qu’elle vise manifestement à protéger, l’application de cette disposition risque de pénaliser fortement toutes les parties concernées : « tout d’abord le vendeur qui va voir le délai de sa vente repoussé fortement, car la fin du délai SRU constitue le point de départ de tout une chaîne de démarches (financement, urbanisme, préemptions…). Par ailleurs, ce dispositif va instaurer une très grande instabilité de la vente elle-même puisque, bien évidemment, l’acquéreur pourra se rétracter à l’issue de ce délai », explique Eric Allouche. Dans la mesure ou de très nombreux vendeurs sont également des acquéreurs, cette situation risque aussi d’avoir des répercussions en cascade sur toutes les transactions immobilières ainsi que sur les prestations périphériques (crédits, diagnostics…).

Laisser le choix à l’acquéreur de renoncer à sa faculté de rétractation

« L’acquéreur (qui est également lui aussi très souvent un vendeur), censé être protégé, sera également pénalisé puisqu’il ne pourra renoncer à sa faculté de rétractation qui est d’ordre public. Aussi, à ce sujet, dans la mesure où l’urgence sanitaire l’empêche de s’exprimer mais non pas de réfléchir pendant plus de deux mois, serait-il souhaitable qu’il puisse renoncer expressément à l’exercice de sa faculté de rétractation dans la mesure ou un délai suffisant lui a permis de le faire », préconise Eric Allouche.

Droit de préemption

Par ailleurs, le délai de Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA) dans le cadre du droit de préemption d’urbanisme des mairies est également concerné par une prorogation de plusieurs mois.

Julien Haussy, fondateur et dirigeant du réseau d’agences spécialiste en immobilier atypique, Espaces Atypiques, estime que « le délai de réflexion de 10 jours suspendu n’a pas lieu d’être en cette période où les Français sont chez eux et ont justement tout le loisir de réfléchir à leur achat ». Quant au droit de préemption, « au vu de la situation économique, est-ce important de bloquer les transactions aussi longtemps pour permettre aux mairies de préempter éventuellement un achat ? », s’interroge Julien Haussy. « Je pense qu’elles n’auront de toute façon pas les moyens de le faire et auront d’autres priorités dans l’emploi de leurs ressources afin de soutenir par exemple les personnes en situation de détresse », répond-t-il.

Dérogation attendue

Craignant que ces blocages administratifs ne gèlent toutes les transactions immobilières pendant plusieurs mois avec des situations dramatiques dans certains cas d’achat revente, Julien Haussy demande au gouvernement de réfléchir à une dérogation pour que les délais de rétractation puissent courir normalement après la signature d’une promesse de vente ou d’un compromis et que les mairies renoncent à leur droit de préemption pendant la période de crise sanitaire. La Fédération Nationale de l'Immobilier (FNAIM) oeuvre aussi dans ce sens pour demander au gouvernement d'améliorer les conséquences de ces mesures d'urgences générales...

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