Loi de finances 2019 et abus de droit : « qu’est-on en droit d’espérer ? »

Loi de finances 2019 et abus de droit : « qu’est-on en droit d’espérer ? »

Antoine Dadvisard, président du directoire de Matignon Finances

Loi de finances 2019 et abus de droit : « qu’est-on en droit d’espérer ? »
Crédit photo © Matigon Finances

En matière de prévision fiscale, une chose est certaine, c’est que l’avenir nous réserve souvent des surprises et que la prédiction en matière fiscale est de plus en plus un exercice délicat.

La loi de finances 2019 a élargi les critères d’abus de droit, jusqu’ici cantonnés aux montages exclusivement à but fiscal, pour les rendre éligibles aux montages à but « principalement fiscal ».

Un recoin juridique

Force est de constater que la frontière est de plus en plus mince pour le contribuable, pour ne pas dire, inexistante pour lui laisser une marge dans son choix de décider d’investir ou de partager son patrimoine dans des solutions peu couteuses en impôts. Après tout, voila que par une pirouette de syntaxe, le législateur nous enferme dans un recoin (et ceux qui l’ont voté se feront bien coincer un jour également) duquel il pourrait être bien délicat de sortir à l’avenir.

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Avec cette nouvelle disposition, l’administration dispose désormais de plusieurs angles d’attaque sur le principe de l’abus de droit fiscal :

1/ l’abus de droit par fictivité juridique

2/ l’abus de droit par fraude à la loi avec un but exclusivement fiscal

3/ l’abus de droit par fraude à la loi avec un but principalement fiscal

La fraude à loi est considérée par l’application littérale de la loi fiscale comme contraire à l’intention du législateur. Cela signifie en clair qu’il faudra être un spécialiste de l’analyse grammaticale pour déterminer pour chaque opération, si l’intention du législateur est respectée ou non.

Le cas des démembrements

Concernant les opérations de démembrement de propriété, le ministre de l’action et des comptes public à bien voulu communiquer le 19 janvier que « la nouvelle définition de l'abus de droit ne remet pas en cause les transmissions anticipées de patrimoine, notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l'usufruit du bien transmis, sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives ».

Le moins drôle dans cette histoire, c’est que malheureusement on ne peut compter sur la constance de nos hommes politiques pour garder le cap dans leurs choix et décisions. En 2013, le législateur avait essayé de mettre en place cette notion de but « principalement fiscal ». Soucieux de préserver l’équilibre des contribuables devant la puissance publique, un certain nombre de parlementaires avaient saisi le Conseil Constitutionnel pour contrer ce projet avec succès (Décision 2013-684 du 29 décembre 2013). Le seul hic, c’est que le chef de file de ce mouvement vieux de plus de 6 ans est le même homme aujourd’hui qui est aux commandes des Finances Publiques et qui entérine la décision de mettre en pratique le dit concept de but « principalement fiscal ». Le plus étonnant enfin, c’est que personne n’ait saisi le Conseil Constitutionnel.

Anticiper

Quelle est donc la confiance que nous pouvons accorder au communiqué du 19 janvier ?

Cette même loi de finances pour 2019, précise que cette notion d’abus de droit à but « principalement fiscal » ne s’appliquera qu’à partir des montages effectués en 2020. Cela signifie en clair qu’il reste moins de neuf mois pour mettre en œuvre nos projets en espérant une relative tranquillité. Il serait donc judicieux de planifier les opérations afin d’éviter l’embouteillage chez le notaire qui ne manquera pas d’arriver en décembre 2019.

Au-delà, et pour tous les autres montages un peu moins simples, il vous restera la possibilité d’utiliser le « rescrit » prévu à l’article L64 B du Livre des Procédures Fiscales* et en vigueur à partir du 1er janvier 2020, qui précise que l’absence de réponse dans un délai de six mois vaudra acceptation tacite.

On peut hypothéquer aisément sur la difficulté de l’administration à traiter les centaines de rescrits qui vont sans doute être initiés, car ces derniers sont centralisés, on le comprend, auprès d’une cellule unique. C’est un mince espoir qu’il reste aux initiateurs d’optimisation fiscale pour avoir la certitude que le montage projeté n’est pas à but principalement fiscal.

*Les procédures définies aux articles L. 64 et L. 64 A ne sont pas applicables lorsqu'un contribuable, préalablement à la conclusion d'un ou plusieurs actes, a consulté par écrit l'administration centrale en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande.

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Antoine Dadvisard

Le parcours d'Antoine Dadvisard

Président du directoire, Matignon Finances

Diplômé de l’Université de Paris IX-Dauphine et de l’Institut National des Télécommunications, Antoine Dadvisard, débute sa carrière chez IBM dans les années 1990. Passionné depuis longtemps par les marchés financiers, il donne en 2009 une inflexion à sa carrière en devenant conseiller en gestion de patrimoine indépendant après l’obtention de son DESS de Gestion de patrimoine (Université de Clermont-Ferrand). En 2011, il prend la présidence du directoire de Matignon Finances lors de son rachat avec cinq autres associés.

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