Le nouveau Plan d’épargne retraite à l'épreuve du coronavirus

Le nouveau Plan d’épargne retraite à l'épreuve du coronavirus

Après une montée en flèche fin 2019, le PER tourne au ralenti à cause de la crise du Covid-19, comme bon nombre de produits. Mais la demande reste présente pour ce placement long terme, qui conserve son attractivité auprès des épargnants.

Le nouveau Plan d’épargne retraite à l'épreuve du coronavirus
Crédit photo © Creative Commons / Ken Teegardin

Le nouveau plan d’épargne retraite (PER), lancé le 1er octobre 2019, a été coupé dans son élan par la crise du coronavirus. Selon des chiffres récents, à la date du 1er mars, soit un peu plus de deux semaines avant le début du confinement, quelque 141.000 souscriptions de PER étaient recensées depuis la mise en place de ce produit qui se substitue aux anciens Perp, Madelin et article 83 côté épargne retraite individuelle, ou Perco pour l’épargne retraite collective. Les cotisations avaient atteint 1,034 milliard d’euros, auprès de 22 sociétés d’assurance représentant 77 % du marché.

Le transfert des anciens produits vers les PER commençait à monter

Un départ en trombe observé chez AG2R La Mondiale, qui a commencé la commercialisation de ses premiers PER début février. « Le marché avait bien démarré au début de l’année. Nous avons pu mesurer que la part des contrats Perp, article 83 ou Madelin transformés en PER, n’était pas encore très significative, mais commençait à monter », explique Patrice Bonin, directeur général d’Arial CNP Assurances, filiale d’AG2R La Mondiale et de CNP. Raison de ce succès : la perception du PER individuel par beaucoup comme un « produit fiscal », estime Pierre-Emanuel Sassonia, directeur associé d’Eres, pour qui « l’objectif de toucher une population très large est atteint, même s’il s’adresse avant tout aux épargnants ayant une tranche marginale d’imposition (TMI) supérieure ou égale à 30% ».

Mais si le recul manque encore pour en connaître l’ampleur, la crise actuelle a impacté l’ensemble du marché de l’épargne-retraite. « Deux effets sont notables, selon Patrice Bonin. En premier lieu sur l’effort de vente, qui a été interrompu avec le confinement : les indépendants sont plus préoccupés par leur quotidien que par la préparation de leur retraite et l’épargne. Le deuxième effet est lié à la trésorerie : les petites entreprises et indépendants, commerçants ou artisans, sont touchés de plein fouet par la crise ». L'assureur constate ainsi une recrudescence de demandes de modifications dans les plans de financements de contrats Madelin, qui restent commercialisés jusqu’au 1er octobre 2020, où « bien souvent, les cotisations sont ramenées au minimum ». Sur ce point, l’assureur explique avoir entamé des discussions avec les pouvoirs publics afin de pouvoir maintenir les avantages fiscaux des produits en cas de report, voire d'interruptions temporaires de cotisations. Une réponse favorable du gouvernement est attendue d’ici quelques jours.

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Pas d'arbitrages massifs

En tout cas, les fluctuations boursières n’ont pas dissuadé certains épargnants de se lancer, d’après les distributeurs. « Selon l’horizon de placement, la crise peut retarder la décision d’investir, qui peut être différée vers la fin d’année, mais dans l’ensemble le contexte boursier a peu d’influence », note Pierre-Emmanuel Sassonia, qui constate que chez Eres, « la demande ne tarit pas ». Quant aux demandes d’arbitrage massives, qui auraient pu découler de la crainte d’une chute des marchés par les épargnants, elles ne sont pas pour le moment au rendez-vous. « Il y en a eu très peu, à l’inverse de ce qui est observé dans l’assurance-vie patrimoniale. Ceci est dû au fait que depuis une douzaine d’années, se sont développés les mécanismes de gestion par horizon », explique Patrice Bonin. Un avis que partage Pierre-Emmanuel Sassonia. « Grâce aux options de rééquilibrage régulières l'épargnant bénéficie d'un investissement intelligent : il vend régulièrement les actifs les plus chers pour acheter les actifs les plus décotés. Ce produit, né dans un contexte compliqué, s’adapte aux différents états boursiers ».

Développement de l'offre digitale

La crise n’a pas non plus empêché le lancement de nouvelles offres, particulièrement sur Internet : c'est le cas de Titres@PER d’Altaprofits, offre tournée vers les actions du SBF 120 et de l'Euro Stoxx 50, ou encore du PER Placement-direct.fr, présenté comme l’un des moins chers du marché, car accessible sans frais sur les versements et avec des frais sur encours au plus bas. « Si le traitement des demandes est au ralenti du fait du confinement, les manifestations d’intérêt se poursuivent, une vingtaine de validations ont pu intervenir durant la crise », explique-t-on chez Placement-direct. Le marché sur Internet reste néanmoins minoritaire, représentant 5 à 6 % des produits. « C’est un segment où il faut de l’explication, il faudra vraisemblablement attendre le déconfinement pour une remise en route, mais les campagnes axées sur Internet pourraient être un point de bascule », explique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Epargne.

Besoin structurel d’épargne complémentaire

Quelles sont les perspectives pour le PER ? « Il n’y a pas de risques sur l’épargne retraite à moyen-long terme car il y a structurellement besoin d’épargne complémentaire », assure Patrice Bonin. Mais les prévisions de baisse de pouvoir d’achat, de hausse du chômage et de croissance en berne, incitent l'assureur à anticiper « une baisse très nette de cotisations en 2020 et une croissance fortement réduite de la collecte durant les deux années à venir ». Au Cercle de l'Epargne aussi, on croit en les vertus résilientes de ce produit très long terme : « le PER vit un choc d’une très grande ampleur, mais sur 10, 20, ou 30 ans, l’impact sera lissé dans le temps. L’angoisse de ses revenus dans les prochains mois peut bloquer dans l’immédiat. Mais paradoxalement, la période actuelle est peut-être une bonne porte d’entrée pour ce produit : les actions et les unités de compte ne sont pas chères », conclut Philippe Crevel.

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