«Domiciliation bancaire limitée à 10 ans : une fausse bonne nouvelle !»

«Domiciliation bancaire limitée à 10 ans : une fausse bonne nouvelle !»

Maël Bernier, Directrice de la communication du courtier Meilleurtaux.com

«Domiciliation bancaire limitée à 10 ans : une fausse bonne nouvelle !»
Crédit photo © Meilleurtaux.com

Nous avons découvert avec un peu de stupeur que lors du Conseil des Ministres du 31 mai, le nouveau gouvernement avait adopté une ordonnance, ayant pour but affiché d’encadrer la domiciliation bancaire lors de la signature d’un crédit immobilier en la limitant à 10 ans maximum. Présentée comme une mesure qui limite dans le temps une pratique existante, cette dernière pourrait effectivement ressembler à un progrès.

Malheureusement l’enfer étant pavé de bonnes intentions, cette mesure est tout sauf une avancée. Pourquoi ? Pour bien comprendre, un petit retour en arrière sur ce qui se passait jusqu’alors à la signature d’un crédit immobilier est nécessaire.

  • 1er cas : quelques rares établissements incluaient dans leur contrat de prêt une notion de « taux préférentiels » en échange d’une domiciliation de revenus des emprunteurs et ce, pendant toute la durée de prêt quelle qu’elle soit. Dans ce sens, le nouveau texte pourrait ressembler à un progrès, mais seulement « pourrait »…
  • 2ème cas : certains établissements laissaient entendre dans le cadre de la négociation commerciale avec le client demandeur d’un prêt immobilier que cette domiciliation de revenus était nécessaire pour obtenir le prêt.

Mais dans la réalité des faits,  quand un emprunteur décidait en cours de crédit de changer la domiciliation de ses revenus, il ne se passait finalement rien, la banque sachant très bien que ces exigences « un peu limites » pouvaient être considérées comme abusives.

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Gravé dans le marbre

Or, la nouvelle ordonnance vient en réalité de graver dans le marbre la possibilité pour une banque d’exiger la domiciliation des revenus d’un emprunteur sous réserve d’avantages préférentiels (taux d’intérêt plus bas notamment) consentis ; et dans le cas où l’emprunteur ne respecterait pas son engagement, elle pourrait avoir légalement le droit d’augmenter le taux en cours de prêt.

Une question se pose donc : quid de la Loi sur mobilité bancaire si chère à notre nouveau Président de la République ? En effet, Emmanuel Macron a porté pendant plusieurs mois cette Loi visant à faciliter la mobilité bancaire et son nouveau gouvernement vient clairement d’adopter une mesure qui va à l’encontre de celle-ci !

Beaucoup d’interrogations

Par ailleurs, nous nous interrogeons fortement sur les contreparties consenties par les établissements bancaires en échange de cette domiciliation. Un taux plus bas certes, mais quid des frais bancaires ? La banque aura-t-elle le droit d’augmenter les tarifs librement alors que le client sera totalement « captif » ?

D’autre part, que se passera-t-il si une personne déjà détentrice d’un crédit immobilier souhaite par exemple réaliser un investissement locatif ou acheter une résidence secondaire, sera-t-elle obliger de prendre son crédit avec sa banque d’origine devant l’impossibilité d’apporter à une autre banque des revenus supplémentaires ? Et pour terminer, un bon nombre de raisons peuvent motiver un changement de banque : départ à l’étranger, usage mobile ne convenant plus au client ou positionnement tarifaire décorrélé du marché, où serait alors la liberté s’il perd d’un côté ce qu’il tente de gagner de l’autre ?

Inégalités

Dernier élément, cette nouvelle disposition, présentée comme une avancée pour protéger les personnes les moins à mêmes de négocier avec les banques, va conduire à mon sens à l’exact inverse. En effet, une personne disposant d’un gros patrimoine, de revenus confortables pourra toujours négocier avec sa banque, menaçant clairement de partir et de retirer tous ses actifs, mais quid des personnes plus « fragiles » sans réel pouvoir de pression qui ne pourront pas négocier et prendront du coup de plein fouet la hausse des frais bancaires et toutes les exigences bancaires nouvelles ou non ?

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