Usufruit & quasi-usufruit, que le meilleur gagne !

Usufruit & quasi-usufruit, que le meilleur gagne !

Sybille De Montgolfier est Ingénieur patrimonial chez SwissLife Banque Privée

Usufruit & quasi-usufruit, que le meilleur gagne !
Crédit photo © Boursier.com

La notion de quasi-usufruit est un thème de plus en plus fréquent dans les revues spécialisées. Entre usufruit et quasi-usufruit, lequel choisir ? Pour répondre, revenons aux caractéristiques de ces deux notions «cousines».

La pleine propriété d’un bien se compose de deux droits : l’usufruit et la nue-propriété. Lorsque ces droits sont détenus par des personnes différentes, le bien est dit démembré.

L’usufruit (défini à l’article 578 du Code Civil) est le droit de jouir du bien, c’est-à-dire d’en user (habiter un logement par exemple) et d’en percevoir les fruits (loyers, dividendes, coupons), à charge d’en conserver la substance, afin de permettre au nu-propriétaire de récupérer la pleine propriété à l’extinction de l’usufruit (par donation ou décès). Toutefois, sur des actifs dont l’usage entraîne l’inévitable consommation (biens dit consomptibles) tels qu’une somme d’argent, l’usufruit « classique » est impossible. On est alors en présence d’un quasi-usufruit, lequel est généralement matérialisé par la signature d’une convention entre les parties.

Notions voisines

En pratique, usufruit et quasi-usufruit sont des notions voisines, mais qui ont leur distinction : le quasi-usufruit donne des pouvoirs élargis à son titulaire puisqu’il pourra non seulement jouir du bien acquis en remploi des liquidités (comme un usufruitier) mais également en disposer et, notamment, le vendre sans forcément devoir demander l’accord du nu-propriétaire.

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En d’autres termes, l’usufruitier a une double obligation de conserver le bien en l’état et de le restituer à terme, alors que le quasi-usufruitier pourra consommer le bien acquis en remploi et est simplement censé restituer au nu-propriétaire un bien équivalent en valeur (éventuellement indexée). C’est ce qu’on appelle la créance de restitution : le quasi-usufruitier a une dette envers le nu-propriétaire qui, dans la majorité des cas, sera remboursée à sa succession par prélèvement sur la masse successorale, avant tout partage – encore faut-il que le quasi-usufruitier défunt ait un patrimoine suffisant pour permettre ce remboursement. A noter, il conviendra de respecter un certain formalisme au jour de la naissance de cette créance de restitution, afin de lui donner date certaine et la rendre opposable aux tiers.

La meilleure des solutions ?

On entend parfois qu’un quasi-usufruit est préférable à un usufruit, puisqu’il donne une grande liberté. En effet, la gestion d’un bien démembré peut s’avérer délicate, compte tenu des objectifs différents des parties : obtenir des revenus pour l’usufruitier et valoriser le bien à terme (plus-value) pour le nu-propriétaire. C’est pourquoi donner des pouvoirs plus étendus à l’usufruitier par la mise en place d’un quasi-usufruit est tentant. Pour autant, est-ce toujours la meilleure des solutions ?

Prenons l’exemple d’une somme d’argent démembrée entre un père usufruitier et son fils nu-propriétaire : un usufruit permettra au père de percevoir les fruits du placement de cette somme ; si son besoin de ressources est plus important que le revenu dégagé, l’usufruit ne permettra pas d’assurer pleinement son train de vie. En revanche, le fils nu-propriétaire récupérera à terme la pleine propriété du bien, sans aucune fiscalité, quel que soit son accroissement de valeur.

Besoins réels

Un quasi-usufruit permettra au père de consommer le capital à hauteur de ses besoins réels, même s’ils excèdent les revenus générés par le bien démembré. En revanche, le montant de la créance de restitution sera figé au jour de la mise en place du quasi-usufruit. Et, même en cas d’indexation, le nu-propriétaire ne récupèrera que le montant de sa créance à l’échéance (le cas échéant, réévalué). C’est pourquoi, dans l’hypothèse d’un fort accroissement de valeur du bien, le fils devra payer des droits de succession sur la différence entre la valorisation du bien au jour du décès de son père et le montant de sa créance de restitution.

Ainsi, le choix entre un usufruit et un quasi-usufruit dépendra avant tout de la situation et des objectifs de chacun et devra, notamment, prendre en compte le besoin de ressources de l’usufruitier. Si l’usufruitier n’a pas nécessairement besoin des revenus de l’actif objet du démembrement, le quasi-usufruit pourra être écarté en faveur d’un usufruit, lequel permettra de transmettre l’accroissement de valeur du bien sans fiscalité. Le quasi-usufruit est souvent mis en avant pour la liberté qu’il procure – plusieurs arrêts récents sont venus l’encadrer –mais ne serait-ce pas au détriment des bienfaits trop vite mis de côté d’un simple usufruit ?

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Sybille de Montgolfier

Le parcours de Sybille de Montgolfier

Ingénieur patrimonial, SwissLife Banque Privée

Ingénieur patrimonial chez SwissLife Banque Privée depuis 2013, Sybille de Montgolfier commence sa carrière en 1996 chez A2PF (Audit Patrimonial et Planification Financière) avant de rejoindre le Crédit Lyonnais Banque Privée en 2003. De 2004 à 2013, elle occupe un poste d'ingénieur patrimonial chez Meeschaert Gestion Privée.

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